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Turquie: début de délibérations sur le sort du principal parti pro-kurde


Mardi 8 decembre 2009 à 15h58

ANKARA, 8 déc 2009 (AFP) — La Cour constitutionnelle turque a entamé mardi des délibérations qui pourraient mener à l'interdiction du principal parti pro-kurde de Turquie pour collusion avec les rebelles kurdes.

Une éventuelle dissolution du Parti pour une société démocratique (DTP) mettrait à mal les efforts actuels du gouvernement pour tarir le soutien dont disposent les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans la population kurde du sud-est de l'Anatolie, avec un plan visant à renforcer les droits de cette minorité.

Les dirigeants du DTP ont prévenu qu'une dissolution pourrait attiser les tensions et ont indiqué que leurs 21 députés (sur 550) quitteraient le Parlement plutôt que de siéger comme parlementaires sans étiquette.

Le parti est accusé d'obéir aux "directives" du PKK, considéré comme une organisation terroriste par Ankara et de nombreux pays.

Le parti "est devenu le foyer d'activités préjudiciables à l'indépendance de l'Etat et à son unité indivisible", a estimé le procureur de la Cour de cassation Abdurrahman Yalçinkaya, à l'origine des poursuites.

Huit des députés du parti, dont son coprésident Ahmet Türk, et de nombreux autres responsables, sont menacés de bannissement de la vie politique pour des durées diverses.

Les délibérations des 11 juges pourraient prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

Nombre d'observateurs estiment que le DTP est la vitrine politique légale du PKK et considèrent son interdiction comme l'hypothèse la plus vraisemblable.

Le parti assure qu'il n'a "pas de liens organiques" avec le PKK mais refuse de qualifier celui-ci d'organisation terorriste et appelle le gouvernement à négocier avec lui.

"Malgré les politiques d'assimiliation et d'intimidation, le DTP n'a jamais outrepassé la ligne de l'action politique", a affirmé mardi M. Türk, cité par l'agence de presse Anatolie, lors d'une réunion de son groupe parlementaire.

Une interdiction du plus grand parti légal kurde pourrait porter un coup à l'"ouverture démocratique" lancée cet été par le gouvernement, qui facilite surtout l'usage de la langue kurde dans la vie publique et ne satisfait pas le DTP.

"Si le DTP est dissout, cela signifiera évidemment que les canaux politiques sont fermés pour le peuple kurde", a déclaré M. Türk devant ses députés.

La dissolution "conduirait à un climat bien pire que celui des années 1980-90", au plus fort des combats entre l'armée et le PKK, avait prévenu lundi dans le quotidien Radikal la coprésidente du DTP Emine Ayna.

Le début des délibérations coincide avec une recrudescence des tensions dans le sud-est anatolien, où de nombreuses manifestations contre les conditions de détention du chef du PKK Abdullah Öcalan ont dégénéré en heurts avec la police.

Sept soldats ont par ailleurs péri lundi lors d'une embuscade tendue dans le nord de la Turquie par des militants non encore identifiés, créant l'émoi au sein de la population turque, dont les regards se tournaient vers le PKK.

Le DTP a dénoncé mardi des jets de pierre contre le siège de son parti à Ankara, qui ont brisé plusieurs vitres.

Le PKK a pris les armes en 1984. Le conflit a fait quelque 45.000 morts.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.