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Turquie: après 19 jours de couvre-feu, des habitants découvrent les cicatrices des combats


Mercredi 30 decembre 2015 à 18h59

Dargecit (Turkey), 30 déc 2015 (AFP) — Bâtiments en ruines, véhicules brûlés, cadavres d'animaux décomposés: les habitants de Dargecit, ville à majorité kurde du sud-est de la Turquie, ont commencé à regagner avec prudence leur maison mercredi à la faveur de la levée d'un couvre-feu de 19 jours.

Le couvre-feu avait été instauré le 11 décembre à Dargecit, ville de 20.000 habitants de la province de Mardin, et dans plusieurs autres villes du sud-est anatolien pour permettre à l'armée de lancer une vaste opération destinée à déloger les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) des centres urbains.

Mercredi, l'urgence pour les habitants de Dargecit était d'enlever des rues les cadavres d'ânes et autres animaux de ferme pourrissant à l'air libre, a constaté un photographe de l'AFP. Certains sillonnaient les rues boueuses de leur ville, inspectant les carcasses de véhicules brûlés et les murs des maisons qui tiennent encore debout.

Malgré la levée du couvre-feu, les forces spéciales de police maintenaient une forte présence dans la ville, où des centaines de personnes assistaient mercredi aux funérailles d'un homme tué dans les combats.

Les autorités ont affirmé avoir saisi deux tonnes d'explosifs et de nombreuses armes lors des quelque 110 perquisitions effectuées pendant le couvre-feu.

32 "terroristes" - terme employé par les autorités turques pour désigner les rebelles kurdes - ont été tués au cours de l'opération à Dargecit, ont déclaré les services du gouverneur de la province de Mardin dans un communiqué.

Mais deux habitants de la ville ont également perdu la vie dans les combats, ont reconnu les autorités, sans préciser les circonstances de leur décès.

"La lutte contre les membres de cette organisation terroriste pour le bien et la sécurité des habitants de cette région se poursuivra avec une détermination intacte", poursuit le texte.

- 'Peur et terreur' -

Au total, l'armée turque affirme avoir tué plus de 200 militants du PKK lors de l'opération qui mobilise quelque 10.000 hommes. Un bilan invérifiable de source indépendante.

Mais selon les opposants du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde), les principales victimes du conflit, qui a repris l'été dernier, ont été les civils, avec 360 tués parmi lesquels 61 enfants et 73 femmes.

"Contrairement aux affirmations selon lesquelles ils s'agirait de garantir la paix et la sécurité, les autorités créent la peur et la terreur parmi les gens, tuant sans compter des civils et détruisant l'héritage culturel", a affirmé mercredi le HDP dans un communiqué mercredi.

A Diyarbakir, la "capitale" du sud-est kurde de la Turquie, le couvre-feu a été partiellement levé dans le quartier historique de Sur, où des journalistes locaux faisaient état ces derniers jours de scènes de guerre, avec des centaines de maisons et de boutiques détruites dans l'ancien coeur touristique de la ville où les combattants kurdes ont érigé des barricades.

Jeudi, un photographe de l'AFP a pu se rendre dans le quartier où les devantures des magasins étaient dissimulés par des barricades de sacs de sable érigées durant les combats, tandis que des enfants ramassaient des balles trainant sur le sol.

Le couvre-feu reste notamment en vigueur dans les villes de Cizre et de Silopi, de près de 100.000 habitants, où la condition des personnes enfermées dans leur maison suscitait des inquiétudes grandissantes.

Après plus de deux ans de cessez-le-feu, des combats meurtriers ont repris l'été dernier entre Ankara et le PKK, faisant voler en éclats les pourparlers de paix engagés en 2012 pour mettre un terme à un conflit qui a fait plus de 40.000 morts depuis 1984.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.