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Trois revenantes de Syrie condamnées à des peines allant de 10 à 13 ans de prison


Vendredi 26 septembre 2025 à 19h44

Paris, 26 sept 2025 (AFP) — Des peines moins lourdes que les réquisitions: la cour d'assises spéciale de Paris a condamné vendredi trois femmes, dont la nièce des frères qui ont revendiqué les attentats du 13-Novembre, à des peines allant de 10 ans d'emprisonnement à 13 ans de réclusion criminelle pour avoir appartenu au groupe Etat islamique.

Jennyfer Clain, 34 ans, a été condamnée à 11 ans de réclusion criminelle. Jeudi, le représentant du parquet national antiterroriste (Pnat) avait requis 13 ans à son encontre.

Sa belle-mère Christine Allain, 67 ans, a été condamnée à 13 ans de réclusion, assortis de la sûreté aux deux tiers. Le parquet avait requis 15 ans.

Une décision "mesurée", a réagi son avocat, Me Edouard Delattre. Sa cliente ne fera pas faire appel et va "continuer son travail d'introspection en détention" afin "d'être prête à continuer sa vie dehors".

La troisième accusée, autre belle-fille de Christine Allain, Mayalen Duhart, 42 ans, a été condamnée à 10 ans d'emprisonnement avec mandat de dépôt à effet différé, conformément aux réquisitions.

"Il y a un risque qu'elle retourne en détention mais nous réfléchissons à interjeter appel", a déclaré à l'AFP son avocate, Me Marie Dosé.

Toutes ont aussi été condamnées à un suivi socio-judiciaire de huit ans, une peine complémentaire "réclamée par les trois", a souligné Me Dosé.

- Décision "équilibrée" -

L'avocat de Jennyfer Clain, Me Guillaume Halbique, a salué une décision "équilibrée" concernant sa cliente.

"Le fait de ne pas avoir de période de sûreté va permettre d'envisager de déposer une demande de remise de peine", a-t-il ajouté, en indiquant que la nièce des frères Clain, détenue depuis six ans, ne ferait "a priori" pas appel de la décision.

"L'engagement idéologique est totalement derrière elle et ce depuis bon nombre d'années", a assuré son conseil.

Vendredi matin, Jennyfer Clain avait, au bout de deux semaines d'audience, présenté ses excuses "sincères et profondes" à toutes les "victimes directes et indirectes, en France, en Syrie, en Irak et ailleurs" des jihadistes, et à ses cinq enfants.

"Je suis désolée pour tout ce qu'ils ont vécu à cause de moi (...), j'ai échoué dans mon rôle de mère", avait-elle dit en larmes.

Elle et Mayalen Duhart ont aussi été condamnées pour abandon de mineurs.

"Je ne suis pas une victime, les victimes c'est les autres, c'est ceux que l'organisation à qui j'ai appartenu a torturés, massacrés: je suis responsable", avait déclaré Mayalen Duhart avant que la cour ne se retire pour délibérer.

Les trois femmes étaient jugées pour avoir rejoint l'EI en 2014 avec leurs enfants, et encouraient 30 ans de réclusion pour association de malfaiteurs terroristes.

- "atmosphère de secret"-

Jennyfer Clain avait amené ses quatre premiers enfants en 2014 en Syrie, et une cinquième petite fille était née à Raqqa en 2016.

Mayalen Duhart avait elle aussi emmené ses quatre enfants dans les "horreurs de l'EI". Un cinquième naîtra sur place, puis décèdera quelques mois plus tard.

Les enfants, parties civiles au procès, ont été placés dans des familles d'accueil à leur retour en France en 2019.

Pendant deux semaines, les trois accusées ont fait replonger la cour dans "l'atmosphère de secret" et la paranoïa de la famille Clain et du groupe jihadiste, où toute remise en cause des atrocités et des crimes était passible d'emprisonnement voire de mort, ont-elles raconté.

Elles s'étaient enfui de Raqqa en 2017 devant l'avancée des forces kurdes soutenues par une coalition internationale, et avaient terminé leur périple dans un camp d'Azaz au nord de la Syrie, près de la frontière turque.

Vivant dans des conditions déplorables entre femmes de l'EI toutes plus radicalisées les unes que les autres, elles avaient continué à s'excommunier au moindre désaccord, allant jusqu'à décréter le "takfir", la mécréance, du groupe Etat islamique et de son "calife".

Elles refusaient tout retour en France avant leur arrestation et leur rapatriement en 2019.

"Force est de constater que chacune, à leur façon, a énormément investi la détention pour se libérer de cette idéologie mortifère", ce qui s'est "vu" à l'audience, "même s'il reste énormément de travail à faire", a observé Me Dosé.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.