Page Précédente

Trois familles demandent réparation, un an après le pire naufrage dans la Manche


Mardi 14 février 2023 à 17h37

Paris, 14 fév 2023 (AFP) — Plus d'un an après la mort d'au moins 27 personnes qui tentaient d'atteindre l'Angleterre par bateau, pire drame migratoire dans la Manche, trois familles de naufragés ont déposé une demande d'indemnisation auprès des autorités françaises, auxquelles elles reprochent leur "inaction fautive".

Ces familles sont originaires d'Irak, d'Iran et d'Ethiopie, a fait savoir mardi à l'AFP l'association d'aide aux exilés Utopia 56, également partie à cette "demande indemnitaire préalable", introduite quinze mois après le naufrage d'une embarcation le 24 novembre 2021 entre la France et le Royaume-Uni, avec essentiellement des Kurdes irakiens à son bord.

Le drame qui avait fait des victimes âgées de 7 à 46 ans avait généré une profonde crise diplomatique entre Paris et Londres sur le dossier brûlant de l'immigration clandestine.

La demande d'indemnisation a été déposée lundi par les trois familles, Utopia 56 et la Ligue des droits de l'homme (LDH) auprès de Matignon, du ministère de l'Intérieur, du secrétariat d'Etat chargé de la mer, de la préfecture maritime de la Manche et de la mer du Nord (Premar), ainsi que du Cross, le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage, pour "obtenir l'indemnisation des préjudices moraux", expliquent les associations.

Les requérants reprochent à ces acteurs leur "inaction fautive" et les "manquements de l'Etat à ses obligations en matière de moyens humains et matériels affectés au sauvetage des personnes qui traversent la Manche".

Les premiers éléments de l'enquête ouverte à Paris et confiée à la Juridiction nationale de lutte contre la criminalité organisée (Junalco) "révèle(nt) que des opérateurs du Cross ont été contactés au moins à 14 reprises par l'embarcation sans qu'aucune opération de sauvetage ne soit déclenchée", insiste Utopia 56.

- "L'objectif, c'est pas l'argent" -

La demande d'indemnisation est une "action complémentaire" de la procédure pénale, qui pourrait "aider à la manifestation de la vérité dans le cadre de l'enquête", estime auprès de l'AFP Me Emmanuel Daoud, qui défend les familles et les associations.

"L'objectif, ce n'est pas de gagner de l'argent. Les frères, les neveux, les femmes perdus par ces familles ne reviendront pas. Il s'agit plutôt de tirer les conséquences des carences fautives des autorités" en matière de secours et de "mettre l'Etat français et les différents ministères devant leurs responsabilités", a-t-il ajouté.

S'ils n'obtiennent pas l'indemnisation, dont le montant n'a pas été communiqué, les requérants prévoient de saisir la justice administrative. L'avocat espère que l'action, bien que "symbolique", permette de relancer une enquête qui n'a pour l'heure débouché en France sur aucune sanction au sein de l'administration.

"Si à un quelconque moment il y a eu un manquement, une erreur, les sanctions seront prises", avait assuré en novembre 2022, un an après le naufrage, le secrétaire d'Etat Hervé Berville.

Selon des documents de l'enquête consultés par l'AFP, personne n'est venu en aide à l'embarcation en détresse, ni côté français ni côté britannique, chacun passant la nuit à se renvoyer la balle.

L'aparté d'une opératrice du Cross qui recevait l'un des appels de détresse, dévoilé par Le Monde et vérifié par l'AFP, avait suscité l'indignation: "Ah bah, t'entends pas, tu seras pas sauvé. +J'ai les pieds dans l'eau+, bah je t'ai pas demandé de partir".

Un an après, le seul coup de filet a eu lieu côté britannique, où un homme soupçonné d'être un passeur dans cette affaire a été arrêté en novembre 2022 par l'agence britannique de lutte contre la criminalité.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.