Jeudi 10 janvier 2013 à 10h26
PARIS, 10 jan 2013 (AFP) — Trois femmes activistes kurdes ont été retrouvées mortes dans la nuit de mercredi à jeudi, tuées d'une balle dans la tête, dans les locaux d'une association de la communauté kurde à Paris dans le Xe arrondissement, a-t-on appris de sources concordantes.
"La scène peut laisser penser qu'il s'agit d'une exécution, mais l'enquête devra éclaircir les circonstances exactes de ce drame", a précisé une source policière.
Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls s'est rendu devant l'immeuble qui abrite le "centre d'information du Kurdistan" au 147, rue Lafayette. Interrogé sur une éventuelle motivation politique à ces crimes, il s'est refusé à tout commentaire. "Soyez assurés de la détermination des autorités françaises", a-t-il dit à la presse.
Une des trois victimes est Sakine Cansiz, présentée par la Fédération des associations kurdes de France comme "une des fondatrices du PKK" (Parti des travailleurs du Kurdistan, interdit en Turquie).
Fidan Dogan, 32 ans, permanente du centre d'information du Kurdistan, figure aussi parmi les victimes, a déclaré à l'AFP le responsable du centre Leon Edart.
Elle était également la représentante en France du Congrès national du Kurdistan, a précisé la fédération dans un communiqué diffusé sur place.
Selon cette source, la troisième victime est Leyla Soylemez, une "jeune activiste".
Dès l'annonce de ces assassinats, des centaines de Kurdes se sont rassemblés devant l'immeuble, scandant "Elles ne sont pas mortes", "Nous sommes tous PKK !", "Turquie assassin, Hollande complice !", et agitant des drapeaux à l'effigie du chef emprisonné des rebelles kurdes Abdullah Öcalan.
Selon le récit de M. Edart, mercredi à la mi-journée, les trois femmes étaient seules dans les locaux du centre d'information, situé dans un immeuble au premier étage et pourvu d'un digicode et de sonnettes.
En fin d'après-midi, un membre de la communauté a essayé en vain de les joindre. Il a tenté de se rendre sur place, mais n'avait pas les clés et n'a pu entrer immédiatement.
Selon la Fédération des associations kurdes de France, des amis inquiets se sont alors rendus sur place. Ils auraient vu des traces de sang sur la porte qu'ils auraient alors défoncée. Ils ont découvert les trois corps vers 01H00 du matin, selon cette source.
150.000 personnes
Deux des femmes auraient été tuées d'une balle dans la nuque, la troisième présentant des blessures dans le ventre et au front, selon la fédération.
Sur l'immeuble, aucune plaque ne signale la présence du centre d'information du Kurdistan. D'après Leon Edart, les victimes auraient peut-être ouvert la porte à leur(s) assassin(s).
La Fédération des associations kurdes de France appelle les Kurdes d'Europe "à se rassembler à Paris pour dénoncer cette attaque".
La section antiterroriste du parquet de Paris est saisie. Elle a confié l'enquête à la sous-direction antiterroriste (Sdat) et à la section antiterroriste (SAT) de la brigade criminelle de la police judiciaire.
La communauté kurde est régulièrement l'objet de l'intérêt de la justice française dans des dossiers de financement du PKK, via des extorsions de fonds ou la levée d'"impôt révolutionnaire".
Ces assassinats surviennent au moment où, selon des médias turcs mercredi, Ankara et Abdullah Öcalan se sont mis d'accord au cours de récentes discussions sur le principe d'un arrêt des hostilités qui durent depuis 1984.
Selon ces sources, cet accord prévoit, en plusieurs étapes, la suspension des attaques du PKK dès le mois de mars, en échange d'une réforme de l'Etat turc destinée à accroître les droits de la minorité kurde.
Le parti au pouvoir à Ankara a vu dans ce triple assassinat un possible "règlement de comptes" au sein du PKK. "Nous savons qu'il y a des dissensions, des clivages au sein du PKK", a déclaré Hüseyin Celik, vice-président du Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste).
Les Kurdes représentent une population de plus de 150.000 personnes en France avec une forte concentration en Ile-de-France, en Alsace, en Lorraine et dans les Bouches-du-Rhône, selon une étude de 2006 de Rusen Werdi, de l'Institut kurde de Paris.
Elle est formée de près de 90% de Kurdes de Turquie. On compte environ 6.500 Kurdes iraniens et 4.800 Kurdes irakiens. Le reste est formé de Kurdes de Syrie, du Liban et des ex-républiques soviétiques du Caucase.
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Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.