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Total se lance au Kurdistan irakien et suscite la fureur de Bagdad


Mardi 31 juillet 2012 à 18h40

PARIS, 31 juil 2012 (AFP) — Le géant pétrolier français Total a mis un pied mardi dans l'exploration pétrolière au Kurdistan irakien, s'exposant aux représailles immédiatement promises par Bagdad, en conflit avec la turbulente région autonome sur l'exploitation des hydrocarbures.

La troisième compagnie pétrolière européenne a annoncé l'acquisition auprès de l'américain Marathon Oil de 35% de deux permis d'exploration, couvrant des superficies respectives de 705 et 424 kilomètres carrés. Le gouvernement régional du Kurdistan détient lui-même 20% de ces deux blocs.

De facto, Total s'est lancé dans un bras de fer avec Bagdad, qui entretient des relations exécrables avec la province autonome, à l'image de ses rivaux américains Chevron et ExxonMobil désormais en froid avec le gouvernement central irakien.

Ce dernier n'a pas tardé à réagir. "Nous considérons ce contrat illégal et anticonstitutionnel, et nous traiterons cette compagnie comme nous avons traité celles qui violent la législation irakienne", a déclaré un porte-parole du vice-Premier ministre irakien chargé de l'Energie, Hussein Chahristani.

En réaction, un conseiller du ministre des Ressources naturelles du Kurdistan a réaffirmé que la région était dans son bon droit.

En juin, le gouvernement irakien avait prévenu les compagnies françaises que tout contrat avec Bagdad serait annulé si elles signaient d'autres contrats avec des autorités locales ou régionales.

Dans le même esprit, il a annoncé la semaine dernière que Chevron ne pourrait plus travailler en Irak, en dehors du Kurdistan, car le géant pétrolier américain a acquis sans son approbation deux permis pétroliers dans la région autonome. Bagdad a aussi menacé ExxonMobil de représailles similaires.

Les relations entre Bagdad et les autorités du Kurdistan sont au plus bas depuis plusieurs mois en raison de différends sur le dossier stratégique des hydrocarbures.

Conditions plus alléchantes

En effet, les contrats de partage de production proposés par le Kurdistan sont beaucoup plus lucratifs que les contrats de service du gouvernement fédéral, qui offrent un prix fixe par baril de brut.

Du coup, les compagnies pétrolières sont de plus en plus tentées de passer outre l'ire de Bagdad et d'aller travailler dans le nord du pays. Total, tout en réaffirmant la souveraineté de l'Irak sur la région autonome, avait reconnu il y a plusieurs mois négocier une entrée au Kurdistan.

"Les conditions contractuelles y sont meilleures, donc c'est peut-être un petit message à passer sur l'ensemble du pays", avait lancé son PDG Christophe de Margerie en février. "Beaucoup d'entreprises investissent au Kurdistan irakien, et je ne vois pas pourquoi Total ne pourrait pas le faire", avait-il renchéri le mois suivant.

Total a cherché l'apaisement mardi en réaffirmant dans son communiqué "son engagement de contribuer au développement du secteur pétrolier irakien et investir dans de nouveaux projets".

Cet accord, qui risque d'ouvrir un nouveau chapitre dans les relations entre Total et l'Irak, marque un retour aux sources pour le groupe français.

Son ancêtre, la Compagnie française des pétroles (CFP), avait été créée dans les années 1920 pour prendre part à l'extraction pétrolière en Irak, suite à la découverte d'un gisement près de Kirkouk, ville du nord du pays toujours objet d'un conflit de souveraineté entre Bagdad et les Kurdes.

La CFP dut quitter le pays en 1972, suite à la nationalisation du secteur pétrolier. Depuis le renversement de Saddam Hussein, Total était revenu par la petite porte, en remportant en 2009 un appel d'offres pour le développement et l'exploitation du gisement de Halfaya, dans le sud du pays, dans le cadre d'un consortium avec des compagnies asiatiques. Un contrat qui pourrait être menacé par l'incursion de Total côté kurde.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.