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Tir mortel contre une fillette kurde: un policier belge voit sa peine réduite en appel


Jeudi 4 novembre 2021 à 17h45

Mons (Belgique), 4 nov 2021 (AFP) — Un policier a été condamné jeudi en appel par la justice belge à dix mois de prison avec sursis pour un tir mortel sur une fillette kurde de deux ans, lors d'une course-poursuite avec une camionnette de migrants en 2018.

En première instance, Victor-Manuel Jacinto Gonçalves, 49 ans, avait été condamné en février à un an de prison avec sursis pour la mort de la petite Mawda et avait fait appel. La cour d'appel de Mons (sud) a par ailleurs confirmé une amende de 400 euros.

Le drame, qui a suscité des critiques contre la politique migratoire de la Belgique, s'est produit la nuit du 16 au 17 mai 2018. Sur une autoroute de Wallonie, au sud de Bruxelles, une camionnette transportant une trentaine de migrants pris en charge à Grande-Synthe (nord de la France) avait tenté d'échapper à vive allure à une voiture de police qui voulait l'intercepter.

Face au refus d'obtempérer, l'un des policiers a sorti son arme par la fenêtre et visé, selon ses explications, "le pneu avant gauche" en doublant. Mais un brusque coup de volant de son collègue a dévié son tir vers l'habitacle du véhicule pourchassé, où la petite Mawda, installée derrière le chauffeur avec ses parents, a été touchée d'une balle dans la tête. Elle est décédée dans l'ambulance.

Le policier auteur du tir, inculpé au bout d'un an et demi d'enquête et laissé en liberté, a rapidement reconnu avoir sorti son arme pour arrêter la course folle du véhicule.

Mais il assure n'avoir jamais su que des migrants se trouvaient à bord et s'est dit "anéanti" par la mort de la fillette. "Cela fait trois ans que je ne vis plus", a dit M. Jacinto Gonçalves le 30 septembre lors du procès en appel.

Le ministère public avait demandé la confirmation de la peine de première instance contre le policier, accusé d'homicide involontaire.

"L'arrêt a réaffirmé la culpabilité du policier" et que, dans les conditions dans lesquelles où le drame s'est produit, "on ne pouvait pas tirer sur une camionnette remplie de migrants, c'était beaucoup trop dangereux", a réagi l'avocate de la famille de la fillette, Selma Benkhelifa.

- Questions sans réponse -

"Nous estimons que justice n'est pas tout à fait faite", a-t-elle cependant estimé. "Le policier est condamné mais tout le reste, tout le système qui permet que des opérations de chasse aux migrants soient possibles et la manière dont les parents ont été traités après la mort de leur enfant, toutes ces questions, personne n'y a répondu", a-t-elle critiqué.

Les parents ont été empêchés d'accompagner leur fillette dans l'ambulance après le tir. L'avocate a rappelé que le collectif "Justice4Mawda" réclamait une commission d'enquête parlementaire "pour répondre à ces questions".

Lors du premier procès fin 2020, elle avait déploré une "chasse aux migrants" sous couvert de lutte contre le trafic d'être humains.

Le défenseur du policier, Laurent Kennes, a pour sa part estimé que la peine prononcée était "un message à l'égard de l'ensemble des policiers: on ne sort pas son arme, c'est un risque majeur, il faut un cas tout à fait exceptionnel (...) Sortir son arme dans une course-poursuite, c'est exclu".

L'avocat, qui plaidait l'acquittement ou à défaut une suspension du prononcé de la peine qui éviterait sa mention sur un casier judiciaire, a également critiqué "des formations de mauvaise qualité" et des "moyens de communication" insuffisants, mettant en cause la responsabilité de l'Etat belge.

Ayant fui l'Irak en 2015, les parents de Mawda sont arrivés en Europe en traversant la Méditerranée. Au moment du drame, ils cherchaient un passage vers l'Angleterre. L'enquête a mis en évidence que leurs passeurs agissaient en partie depuis le sol belge, avec un véhicule récupéré dans la région de Liège (est).

Sur les faits jugés, le tribunal correctionnel de Mons avait considéré en première instance que la faute du policier était "établie sans aucun doute".

L'objectif d'arrêter la camionnette pouvait être atteint "par d'autres moyens tels que la mise en place d'un barrage". Choisir de tirer, même en visant un pneu, revenait à "mettre gravement en danger les occupants de la camionnette, voire les autres usagers de la route", avait souligné le premier jugement.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.