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Témoignage détaillé et atroce d'un légiste au procès de Saddam pour génocide


Jeudi 30 novembre 2006 à 10h59

BAGDAD, 30 nov 2006 (AFP) — "Dans cette fosse commune de la province de Ninive, 123 corps ont été exhumés. Tous avaient été tués par balles. Il y avait 25 femmes adultes et 98 enfants".

Michael Trimble, qui dirige le département d'enquête sur les fosses communes du Haut tribunal pénal irakien, a synthétisé deux ans de recherche au cours d'un témoignage détaillé et atroce, lors de la 26e audience du procès de Saddam Hussein.

Le président déchu et six anciens dirigeants, dont cousin Hassan al-Majid, dit "Ali le chimique", sont jugés pour avoir ordonné et mis en oeuvre les campagnes militaires d'Anfal en 1987-1988 dans le Kurdistan (nord), qui ont fait 180.000 morts selon l'accusation.

Seuls Saddam et Ali le chimique sont accusés de génocide, mais tous risquent la peine de mort.

"Des cours d'eau asséchés ont dans la plupart des cas été utilisés pour dissimuler les fosses communes et les mêmes techniques sont employés d'un site à l'autre", a poursuivi Michael Trimble, membre du corps des ingénieurs de l'armée américaine.

"90% des enfants découverts dans les trois sites témoins étaient âgés de moins de 13 ans au moment de leur mort", a-t-il poursuivi d'une voix sèche, sans émotion.

"La majorité des blessures par balles de ces enfants se situaient à la tête. Pour les adultes, 76% des corps présentent des impacts de balles dans la tête. Les 24% restants ne portent la trace d'aucune balle, mais des marques d'armes contondantes. Nous en déduisons qu'ils ont été frappés à coups de bâtons ou de crosses de fusil", a affirmé Michael Trimble.

Il a longuement expliqué d'un ton didactique ses méthodes de travail, tant sur le site pour exhumer les corps, que dans le laboratoire, pour recréer les causes de la mort des victimes. "Voici un crâne portant la trace d'un impact de balle au sommet. Elle a traversé le cerveau et se trouve maintenant dans le bas de l'oeil gauche", a-t-il ainsi déclaré.

Les accusés, tous présents dans leur box, sont restés impassibles, de même que leurs avocats. Seuls ceux de Saddam et d'Ali le chimique boycottent le procès depuis l'éviction de l'ancien juge, pour des motifs politiques.

Michael Trimble a projeté de nombreuses photos des restes découverts dans ces fosses communes, dont celui d'une femme enceinte et de son foetus. Il s'est arrêté sur la photo du corps d'un enfant âgé de 6 à 12 mois, tué d'une balle dans la nuque.

"Le tribunal se demande peut-être pourquoi une main adulte figure sur cette photo. En fait, quand nous avons exhumé le corps de l'enfant, nous avons aussi déterré la couverture qui l'enveloppait. Nous ne savions pas que la main de sa mère, la droite je crois, se trouvait à l'intérieur, jusqu'à ce que nous commencions à analyser le corps au laboratoire", a souligné le scientifique.

Michael Trimble est le troisième expert à témoigner au procès. Des dizaines de Kurdes ont auparavant décrit en détails les bombardements chimiques de leurs villages, les viols des femmes et les exécutions sommaires et massives.

Les accusés eux affirment que les campagnes Anfal ("butin", du nom d'une sourate du Coran) constituaient une forme classique de répression d'une insurrection, dans le cadre de la guerre Iran/Irak (1980-1988).

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.