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Syrie: une alliance kurdo-arabe se veut une force d'opposition incontournable


Vendredi 18 decembre 2015 à 14h20

Beyrouth, 18 déc 2015 (AFP) — Une alliance inédite d'opposants kurdes et arabes, à la pointe du combat en Syrie contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI), veut jouer un rôle de premier plan dans les négociations censées s'ouvrir au début de l'année avec le régime.

L'importance de cette alliance regroupée au sein du Conseil démocratique syrien (CDS) réside, selon les experts, dans son bras armé, les Forces démocratiques syriennes (FDS), soutenues par les Etats-Unis et composées principalement des YPG, une milice kurde qui contrôle d'importants territoires dans le pays en guerre.

Réunies vendredi à New York, dans le cadre du processus dit de Vienne qui a accouché le 14 novembre d'une feuille de route pour la résolution du conflit, les grandes puissances doivent discuter de la place du CDS dans la délégation de l'opposition appelée à négocier avec le régime à compter en principe du 1er janvier.

Selon diverses sources proches du dossier, l'envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, mène des pourparlers pour inclure le CDS dans la délégation.

"Il semble que les Américains ont promis aux Russes de s'accorder avec de Mistura pour inclure Saleh Moslem et Haytham Manna à la délégation de l'opposition", déclare à l'AFP Samir Nachar, un dirigeant de la Coalition nationale syrienne (CNS), principale formation de l'opposition en exil.

M. Moslem est le président du Parti de l'union démocratique kurde et membre du CDS et M. Manna est co-président du CDS.

- 'Relais en Occident' -

Le CDS a vu le jour le 10 décembre, lors d'une conférence organisée à Al-Malikiyah dans le nord-est de la Syrie, par des opposants syriens qui n'avaient pas été invités à une réunion d'opposants qui se tenait parallèlement en Arabie saoudite.

La conférence de Ryad a réuni pour la première fois depuis le déclenchement du conflit en mars 2011 une centaine de représentants de l'opposition politique et armée qui a donné son accord pour négocier avec le régime.

M. Manna a refusé d'aller à Ryad à cause notamment de l'exclusion de certains groupes kurdes et considère que les groupes comme le CNS ou le Comité de coordination nationale pour les forces du changement démocratique (opposition de l'intérieur) ont beaucoup perdu de leur représentativité.

"Le CDS ne va pas remplacer (ces groupes), il est le noyau d'un nouveau front démocratique laïque qui oeuvre pour un état de droit et considère tous les citoyens égaux en droits et devoirs", affirme M. Manna à l'AFP.

"C'est une voix nouvelle, désormais incontournable", soutient-il.

Le CDS est composé de nombreux partis, notamment issus des minorités kurde et chrétiennes -syriaques et assyriens.

"Pour les Kurdes qui sont derrière cette formation politique, c'est un moyen d'avoir un relai en Occident", souligne le géographe spécialiste de la Syrie, Fabrice Balanche.

- 'Jamais baisser les bras' -

Le CDS est "le représentant politique, administratif et diplomatique des FDS", explique son porte-parole, Lawand Roujava.

"On ne peut pas ignorer" ce nouvel acteur en raison de sa force de frappe représentée par les FDS, renchérit Thomas Pierret, spécialiste de la Syrie à l'université d'Edimbourg.

Regroupant des combattants kurdes, chrétiens et arabes, les FDS menées par les Unités de protection du peuple kurde (YPG), ont été créées il y a deux mois pour combattre l'EI dans le nord-est.

Les Kurdes sont accusés par d'autres opposants de ne pas combattre les forces du régime et de s'attaquer à certains groupes rebelles. Il leur est aussi reproché de vouloir se tailler un territoire autonome dans le nord et nord-est à l'instar de leurs frères en Irak.

Le rôle de M. Manna, un opposant de longue date et partisan déterminé de la laïcité, est, selon M Pierret, "d'offrir au CDS une couverture d'opposition arabe et modérée même si sa position est essentiellement honorifique".

Age de 64 ans, cet homme de gauche issu d'un milieu sunnite porte, symboliquement, le nom de sa première femme morte à cause d'un différend religieux.

"Nous faisions nos études de médecine ensemble, étions de gauche et laïques. Cinq jours après notre mariage, ma femme (chrétienne) fut tuée par sa propre famille car nous n'appartenions pas à la même religion", raconte-t-il. "Je me bats pour ces valeurs depuis que j'ai 13 ans et je ne baisserai jamais les bras".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.