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Syrie: un Kurde peu connu favori pour diriger l'opposition


Vendredi 8 juin 2012 à 09h57

PARIS, 08 juin 2012 (AFP) — Le Conseil national syrien (CNS) se dote ce week-end d'un nouveau président, vraisemblablement un Kurde indépendant mais très peu connu, qui succèdera à Burhan Ghalioun avec pour mission d'élargir, unifier et rendre enfin efficace la principale coalition d'opposition.

Alors que la crise syrienne menace de dégénérer en guerre civile, les instances dirigeantes du CNS (qui rassemble islamistes, libéraux, indépendants) doivent se réunir samedi et dimanche à Istanbul pour choisir leur prochain chef après la démission de Burhan Ghalioun, critiqué par une partie des militants.

Selon plusieurs responsables du CNS, sauf coup de théâtre, un "consensus" a émergé pour désigner à leur tête Abdel Basset Sayda, un Kurde membre du bureau exécutif du conseil, considéré comme un homme "conciliant", "honnête" et "indépendant".

Né en 1956, originaire d'Amouda, ville à majorité kurde du nord-est de la Syrie, et président du bureau des droits de l'Homme au CNS, M. Sayda est docteur en philosophie, exilé de longue date en Suède.

"Je pense qu'il peut obtenir l'accord de toutes les composantes du CNS, il a de bonnes relations avec tout le monde", a expliqué à l'AFP l'opposant historique George Sabra, membre du bureau exécutif et ex-candidat à la présidence du CNS.

M. Ghalioun, qui a émergé en octobre comme la personnalité capable de rassembler au sein d'un conseil composé de multiples tendances et deux fois reconduit à ce poste, a été très critiqué pour avoir laissé les Frères musulmans prendre une place trop importante au CNS.

Les Comités locaux de coordination (LCC), qui animent la contestation dans la rue syrienne, lui reprochent aussi le manque de coordination entre le CNS et les militants sur le terrain.

"Les Frères restent favorables à Ghalioun mais compte tenu de l'évolution de la situation et vu que les LCC sont absolument opposés à Ghalioun, il est peu probable que certaines instances puissent jouer de leur influence pour le maintenir à son poste", explique Monzer Makhous, coordinateur des relations extérieures du CNS en Europe.

"Sayda n'a pas beaucoup d'expérience politique, il n'a pas une longue histoire dans l'opposition. Mais il faut trouver quelqu'un qui arrange tout le monde", poursuit-il.

M. Sayda bénéficie de sa double étiquette d'opposant "affilié à aucun parti" et de "Kurde modéré".

"Compte tenu de la difficulté pour les partis à imposer leur candidat, il profite de son statut d'indépendant. Il est très fidèle à la Syrie, à la question kurde mais c'est un modéré. C'est donc un message lancé aux Kurdes et à toutes les minorités", notamment chrétiennes, pour qu'elles rejoignent l'opposition, selon Bassma Kodmani, responsable des relations extérieures du CNS.

La mission du prochain président sera de réformer le conseil pour en faire un interlocuteur crédible aux yeux des contestataires de l'intérieur qui s'estiment sous-représentés, de l'Armée syrienne libre (ASL) qui gagne des points sur le terrain mais avec qui il n'y a pas de coordination, et de la communauté internationale.

Fin mars, la plupart des opposants syriens avaient reconnu le CNS comme le "représentant formel" du peuple syrien et en avril, à la dernière réunion internationale des "Amis du peuple syrien" à Istanbul, le CNS a été reconnu comme "un représentant légitime de tous les Syriens".

Mais depuis sa création, le conseil est jugé inefficace: pas assez d'aide aux militants, pas ou peu de financement et d'armement pour l'ASL qui pourrait se tourner vers des groupes jihadistes ou étrangers et se couper définitivement de l'opposition politique.

M. Ghalioun a lui-même reconnu auprès de l'AFP que le CNS miné par les "divisions" entre islamistes et laïcs d'une part, exilés et opposants de l'intérieur d'autre part, n'avait pas été "à la hauteur des sacrifices du peuple syrien".

"Il faut élargir la base du CNS (...), nous devons travailler en équipe et écouter la Syrie de l'intérieur qui veut avoir plus d'impact sur les décisions du CNS", martèle George Sabra.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.