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Syrie: qui sont les nouvelles forces de sécurité et peuvent-elles tenir le pays?


Vendredi 2 mai 2025 à 19h35

Damas, 2 mai 2025 (AFP) — Les affrontements meurtriers en Syrie impliquant les minorités alaouites puis druzes interrogent sur la capacité des nouvelles autorités de Damas à contrôler le pays morcelé par 14 ans de guerre civile. Sur quelles forces de sécurité s'appuient-elles et quelles zones leur échappent?

- Qui sont les nouvelles forces de sécurité? -

Après la chute de l'ex-président Bachar al-Assad le 8 décembre, les nouvelles autorités islamistes dirigées par Ahmad al-Chareh ont annoncé la dissolution de l'armée et de ses services de sécurité.

Elles ont ensuite annoncé dissoudre toutes les factions armées, y compris le groupe Hayat Tahrir al-Cham (HTS) que dirigeait M. Chareh à Idleb (nord-ouest) et qui a mené l'offensive ayant renversé Assad.

Le nouveau pouvoir a intégré des membres de ces factions au ministère de la Défense et lancé une campagne de recrutement pour les nouvelles forces de l'ordre. Ont ainsi été rattachées des factions originaires de Deraa (sud), d'autres proches d'Ankara dans le nord du pays, hostiles aux Kurdes, ainsi que des groupes islamistes.

Mais Hayat Tahrir al-Cham (organisation qui reste classée comme "terroriste" par les Occidentaux) et les factions islamistes alliées continuent d'être les plus puissantes notamment dans leur bastion d'Idleb et au coeur du pouvoir à Damas.

Selon Lars Hauch, expert sur la Syrie, le ministère de la Défense "ne fonctionne pas comme une institution officielle centralisée".

Il ressemble "davantage à une salle d'opérations dirigée par HTS" et l'intégration de factions n'a été que "de façade, la majorité d'entre elles restant loyales à leurs chefs d'origine".

Ainsi, dit-il, la Direction de la sécurité générale, malgré sa dénomination en apparence institutionnelle "est composée du noyau dur des unités combattantes de HTS".

- Quel bilan? -

M. Chareh a maintes fois assuré de sa volonté de garantir les droits de tous les Syriens, la communauté internationale insistant sur ce point pour lever les sanctions imposées du temps d'Assad.

Mais c'est "l'absence de réelle fusion entre les différentes factions armées" qui lui permet de continuer à se présenter comme "la seule figure capable de contenir les extrémistes", estime M. Hauch.

Les massacres des 7 et 8 mars qui ont fait plus de 1.700 morts, majoritairement des Alaouites, dans la région côtière ont été une première alerte et entamé la confiance dans la capacité du régime gérer le pays et à discipliner les éléments incontrôlés.

Des combattants ont eux-mêmes filmé des exécutions de civils.

Lors des récents affrontements avec des combattants druzes, qui ont fait plus de 100 morts, les forces pro-gouvernementales ont publié des vidéos - non vérifiées par l'AFP - dans lesquelles on les entend insulter des détenus druzes.

Les autorités se sont défendues en accusant des fidèles d'Assad d'avoir attisé les violences en mars et en rejetant la faute sur des "groupes hors-la-loi", après les nouvelles violences dans des quartiers druzes.

"Les sévices les plus graves sont le fait d'un petit nombre d'extrémistes mais qui jouissent d'un pouvoir considérable", analyse M. Hauch.

Pour l'expert militaire Riad Kahwaji, "il va falloir que les combattants des factions changent et adoptent le comportement digne de soldats d'une armée nationale".

Les autorités doivent également recruter "de nouveaux éléments issus de toutes les composantes de la société syrienne pour rétablir la confiance", ajoute-t-il à l'AFP.

- Quelles zones échappent encore à leur contrôle? -

Le nouveau gouvernement peine à s'imposer sur l'ensemble du territoire, en raison de la présence de groupes armés aux allégeances diverses. L'autorité d'Ahmad al-Chareh "reste relativement limitée" en dehors de Damas et d'Idleb, estime ainsi M. Hauch.

Dans le nord-est, les combattants kurdes constituent un défi pour les nouvelles autorités, malgré la signature d'un accord visant à intégrer les institutions de l'administration autonome kurde dans l'Etat syrien.

Les Kurdes revendiquent un système décentralisé et tiennent à préserver leur puissant bras armé.

Dans le sud, à Soueïda, bastion des druzes syriens, les autorités religieuses et les factions locales rejettent toute forme de séparatisme et ont appelé jeudi l'Etat à renforcer sa présence, mais exclusivement via des agents issus de la province.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.