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Syrie: les mines et les tunnels de l'EI ralentissent l'offensive arabo-kurde


Vendredi 15 février 2019 à 14h51

Champ pétrolier d'Al-Omar (Syrie), 15 fév 2019 (AF — L'alliance arabo-kurde en Syrie mène vendredi des opérations de déminage et tente de repérer les tunnels qui ralentissent sa progression dans le dernier réduit du groupe Etat islamique (EI), défendu par des centaines de jihadistes jusqu'au-boutistes.

Cible d'une offensive des Forces démocratiques syriennes (FDS), la dernière poche de l'EI, dans l'est de la Syrie, près de la frontière irakienne, est désertée par des dizaines de milliers de civils et de jihadistes, dont certains originaires de France ou d'Allemagne.

Après la montée en puissance fulgurante des jihadistes en 2014, le "califat" de l'EI, qui englobait autrefois de vastes régions en Syrie et en Irak, n'est plus aujourd'hui qu'une parcelle d'un kilomètre carré dans la province de Deir Ezzor.

Quelques centaines de combattants de l'EI se cachent dans des tunnels et lancent des attaques kamikazes, opposant une résistance féroce aux FDS dans un quartier du village de Baghouz.

"Le nombre élevé de mines enfouies et les tunnels creusés empêchent les FDS de prendre le contrôle total" du réduit jihadiste, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), qui rapporte des opérations de déminage en cours.

Un porte-parole des FDS, Adnane Afrine, a précisé à l'AFP que les affrontements se poursuivent.

"Les combattants de l'EI refusent de se rendre et continuent à se battre. On ne sait pas à quoi sert cette résistance", a-t-il déploré.

Dans les territoires reconquis par les FDS --appuyées par la coalition internationale emmenée par les Etats-Unis--, les jihadistes ont activé leurs "cellules" dormantes et des "tentatives d'assassinat" ont été rapportées, a-t-il assuré.

- Étrangers interpellés -

Fuyant les violences, près de 40.000 personnes, principalement des familles de jihadistes, ont abandonné depuis décembre le dernier bastion de l'EI, selon l'OSDH.

Parmi elles, se trouvent également environ 3.800 combattants de l'EI, d'après la même source.

Lorsqu'ils arrivent aux barrages des FDS, hommes et femmes sont soumis à des fouilles et des interrogatoires poussés, qui ont pour objectif d'identifier de potentiels jihadistes parmi la foule.

Tous font le récit aux journalistes d'un périple éreintant et dangereux, au cours duquel ils ont tenté d'échapper aux tireurs embusqués de l'EI mais aussi d'éviter les mines.

Vêtues d'un niqab noir couvert de poussière, les femmes, le plus souvent maigres, ploient sous le poids de leurs enfants en bas-âge et des sacs et valises emportés à la hâte.

"Certains d'entre eux n'ont pas vu d'aliment frais depuis des semaines (...) J'ai entendu des récits de personnes qui faisaient un genre de soupe avec de l'herbe pour survivre", confie à l'AFP Jean-Nicolas Paquet-Rouleau, directeur adjoint du Comité international de la Croix-Rouge en Syrie.

Ces derniers jours, les équipes de l'AFP ont pu constater le nombre élevé d'étrangers parmi les déplacés syriens: des Français, mais aussi des Allemands, des Russes, des Ukrainiens et, surtout, beaucoup d'Irakiens.

"On n'a pas de chiffres exacts (..) ça va prendre du temps, mais on peut dire que les effectifs augmentent, surtout pour les femmes et les enfants", a indiqué à l'AFP Abdel Karim Omar, chargé des Affaires étrangères au sein de l'administration semi-autonome kurde.

Selon lui, les étrangers, "même les combattants de l'EI", préfèrent se livrer aux FDS, plutôt que de fuir notamment vers l'Irak, où des centaines ont été condamnés à la peine de mort ou à la prison.

La question des étrangers est un véritable casse-tête pour les autorités kurdes, qui réclament leur rapatriement vers leurs pays d'origine. Mais les nations occidentales sont réticentes à accueillir d'éventuels jihadistes.

- L'aide internationale requise -

Les hommes accusés d'appartenir à l'EI sont envoyés vers des centres de détention, où ils sont interrogés.

Les civils, dont de très nombreuses épouses et enfants de jihadistes, sont transférés vers des camps de déplacés dans le nord de la Syrie. Mais ils doivent parfois dormir plusieurs nuits à la belle étoile, à même le sol dans les plaines arides près de Baghouz.

"Malheureusement, les agences d'aides internationales, la communauté internationale et même la coalition ne prennent pas leurs responsabilités en ce qui concerne ces déplacés", déplore M. Abdel Karim.

"Ce qu'ils fournissent ne couvre même pas 5% des besoins", accuse-t-il.

Si la coalition internationale se montre prudente lorsqu'il s'agit d'évoquer une date, le président américain Donald Trump a affirmé que l'annonce formelle, et surtout symbolique, de la fin du "califat" devrait intervenir bientôt.

Une victoire contre l'EI ouvrirait la voie au désengagement des quelque 2.000 militaires américains déployés en Syrie pour aider les FDS.

La bataille anti-EI représente aujourd'hui le principal front de la guerre en Syrie qui a fait plus de 360.000 morts depuis 2011.

Le régime de Bachar al-Assad, aidé par ses alliés russe et iranien, contrôle désormais près des deux tiers du pays, après avoir enchaîné les victoires face aux rebelles et jihadistes.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.