Jeudi 7 avril 2011 à 18h16
DAMAS, 7 avr 2011 (AFP) — Les Kurdes de Syrie, qui ont obtenu jeudi la naturalisation de 300.000 "apatrides" après un demi-siècle d'attente et de protestations, voudraient maintenant la reconnaissance de leur spécificité culturelle et leur place dans la vie politique du pays.
"Il s'agit bien sûr d'une mesure positive mais nous continuerons à revendiquer nos droits civiques, politiques culturels et sociaux", a affirmé à l'AFP Radif Moustapha, président du comité kurde pour les droits de l'Homme.
Faisant face à un mouvement de contestation sans précédent depuis plus de trois semaines, le président Bachar al-Assad a annoncé des réformes et la première a été de promulguer un décret accordant la citoyenneté à des habitants d'origine kurde qui en ont été privés à la suite d'un recensement controversé en 1962.
"C'est un pas dans la bonne direction car il répare une injustice d'un demi-siècle", affirme de son côté Fouad Alliko, membre du comité politique du parti kurde Yakiti, interdit comme tous les autres mouvements politiques en Syrie à l'exception du parti Baas et de quelques petites formations qui lui sont affidées.
Lors du démantèlement de l'empire ottoman, les Kurdes ont été partagés entre la Turquie, l'Iran et la Syrie. Dans ce pays, où ils n'existent pas de statistiques spécifiques sur cette ethnie, ils représentent environ 9% de la population, soit près de 2 millions de personnes.
Il existe aujourd'hui 12 partis kurdes (interdits) tous laïques. Yakiti, le Parti démocratique kurde en Syrie (Parti), le parti Yazidi kurde, et l'Union démocratique (proche du Parti des travailleurs du Kurdistan, PKK) sont parmi les plus influents.
Dans un pays qui se présente comme le coeur de l'arabisme, ces partis se défendent de toute visée sécessionniste, mais veulent pouvoir s'exprimer en kumandji, l'une des deux langues kurdes.
"Nous souhaitons l'enseignement du kurde à l'école au même titre que le français et l'anglais, pouvoir célébrer nos fêtes sans être harcelés par les services de sécurité et posséder des centres culturels pour faire connaître notre histoire et transmettre notre patrimoine", a expliqué M. Alliko.
Tout ceci est jusqu'à présent interdit à cette population en très grande majorité agricole, vivant dans le nord-est de la Syrie, aux confins de la Turquie et de l'Iran.
En novembre 2009, Human Rights Watch, une organisation de défense des droits de l'Homme basée à New York, avait demandé aux autorités syriennes de "mettre fin" à la répression contre cette communauté et avait dénoncé "la détention de dirigeants kurdes et l'interdiction de réunion pour célébrer la culture kurde".
Sur le dossier politique, M. Alliko a souhaité "l'ouverture d'un dialogue entre les dirigeants du mouvement politique kurde et le pouvoir" et "la reconnaissance de notre particularité à travers une forme d'autonomie dans les régions à majorité kurde", ce que le régime n'est pas prêt d'accepter.
Dans un geste de bonne volonté, les autorités ont libéré mercredi 48 détenus, principalement kurdes, qui avaient été arrêtées il y a un an dans le nord du pays lors d'incidents pour la fête du Norouz (Nouvel an), ont annoncé six organisations de défense des droits de l'Homme.
Vendredi dernier, des manifestations en faveur de la démocratie ont eu lieu pour la première fois depuis le début de la contestation le 15 mars, à Qamishli et Amouda (nord).
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.