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Syrie: L'Otan tempête mais ne condamne pas Ankara


Jeudi 24 octobre 2019 à 13h46

Bruxelles, 24 oct 2019 (AFP) — La première réunion de l'Otan depuis le lancement par la Turquie de son opération militaire contre les Kurdes dans le nord-est de la Syrie va donner lieu a "une discussion musclée", mais "pas question" pour l'Alliance de "perdre" un allié stratégique en l'humiliant avec une mise en accusation.

Le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg se refuse à condamner l'opération turque et il a avalisé "les légitimes préoccupations pour sa sécurité" avancées par Ankara pour la justifier.

Il reconnait les tensions provoquées au sein de l'Alliance. "Les désaccords entre les alliés posent des problèmes. C'est pourquoi nous avons besoin d'une discussion franche et ouverte et la réunion des ministres de la Défense jeudi et vendredi à Bruxelles va la permettre", a-t-il expliqué.

Les discussions vont "être musclées", mais "pas question de se disputer", a commenté un diplomate de haut rang. Il n'est "pas question de sanctionner Ankara ni d'exclure la Turquie, il n'y a pas de procédure pour cela", a-t-il rappelé. "On ne veut pas perdre la Turquie, car c'est un allié stratégique", a-t-il expliqué.

Le chef du Pentagone Mark Esper a confirmé cette approche. "La Turquie va dans la mauvaise direction sur de nombreuses questions" et elle "nous a mis dans une situation terrible avec son opération injustifiée en Syrie", a-t-il déploré à son arrivée à Bruxelles.

"Mais nous n'allions pas commencer une guerre avec un allié de l'Otan", a-t-il souligné. "Nous devons travailler avec la Turquie pour qu'elle redevienne un allié fort et fiable", a-t-il plaidé.

- Sortir la Turquie de l'orbite russe -

Les Etats-Unis s'inquiètent de voir un "bon allié tourner sur l'orbite de la Russie plutôt que sur l'orbite de l'Otan", a-t-il reconnu.

Ankara multiplie les gestes de défiance vis à vis de l'Alliance. La Turquie a ainsi décidé d'acheter à la Russie son système de défense anti-missile S-400 malgré les protestations des alliés et le président Recep Tayyip Erdogan a conclu un accord avec le président russe Vladimir Poutine pour contrôler la partie du territoire de la Syrie repris aux Kurdes à la frontière avec la Turquie.

Cette attitude exaspère ses partenaires de l'Otan et Ankara n'échappera pas aux critiques. "La crédibilité de l'Otan impose la franchise. On ne peut pas faire comme si rien ne s'était passé", a insisté le représentant d'un pays européen.

La ministre allemande de la Défense Annegret Kramp-Karrenbauer est très critique. "Nous sommes toujours confrontés au fait qu'un pays, la Turquie, notre partenaire de l'OTAN, (...) a annexé un territoire en violation du droit international, que des populations sont expulsées, et nous ne pouvons pas laisser les choses en l'état", a-t-elle martelé avant son départ pour Bruxelles.

L'accord entre les présidents Erdogan et Poutine contrarie son idée de créer, sous l'égide de l'ONU, une zone de protection internationale dans le nord de la Syrie.

Elle veut "voir si cet objectif est réalisable", a-t-elle annoncé. Mais la faisabilité de sa proposition est mise en doute, car elle suppose l'envoi de troupes, ce que l'Allemagne n'est pas prête à accepter, ont fait valoir plusieurs diplomates.

Mark Esper s'est montré évasif sur la proposition de la ministre allemande. "Je ne l'ai pas lue, ni vu les détails", a-t-il déclaré.

"Nous n'avons aucun document", a confirmé le représentant d'un pays européen. "L'Otan n'est pas le cadre pour en discuter, car il faudra en parler avec les Russes", a-t-il ajouté.

La France réclame par ailleurs une réunion des ministres des pays de la coalition jeudi ou vendredi, en marge de la réunion de Bruxelles, car l'intervention turque met en danger la lutte contre l'organisation de l'Etat islamique menée en Syrie par une coalition internationale constituée par les Etats-Unis et dont la Turquie fait partie.

Or, l'intervention turque est dirigée contre les forces kurdes alliées de la coalition sur le terrain.

Mark Esper s'est à nouveau montré évasif sur ses intentions. "Notre engagement envers eux (les Kurdes) n'est pas d'établir un État autonome ou de les défendre contre la Turquie. C'est la dure réalité", a-t-il expliqué.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.