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Syrie: l'offensive d'Ankara se poursuit, Washington s'inquiète


Mardi 23 janvier 2018 à 12h38

Hassa (Turquie), 23 jan 2018 (AFP) — La Turquie bombardait mardi une milice kurde dans le nord de la Syrie au quatrième jour de son offensive, alors que Washington a averti que les combats risquaient de déstabiliser une zone relativement épargnée par le conflit syrien.

De violents affrontements se déroulaient mardi dans la région d'Afrine, bastion des Unités de protection du peuple (YPG), une milice kurde honnie par Ankara mais soutenue par Washington, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

En lançant samedi cette offensive qu'elle a baptisé "Rameau d'olivier", l'armée turque a ouvert un nouveau front dans le complexe conflit syrien, suscitant la préoccupation, sinon les critiques, des Etats-Unis et de l'Union européenne.

"La violence à Afrine trouble ce qui était jusque-là une zone relativement stable de Syrie", a déclaré mardi à Jakarta le ministre américain de la Défense Jim Mattis, appelant Ankara à "faire preuve de retenue dans ses opérations militaires comme dans sa rhétorique".

Depuis le début de l'opération, près de 60 combattants des YPG et des groupes rebelles syriens pro-Ankara ont été tués, ainsi que 24 civils, la plupart dans des bombardements turcs, selon l'OSDH, une ONG qui dispose d'un vaste réseau de sources sur le terrain. Ankara dément avoir touché des civils.

Un premier soldat turc a aussi été tué lundi dans les affrontements. Il a été enterré mardi à Ankara en présence de dirigeants turcs, en tête desquels le président Recep Tayyip Erdogan.

"Grâce à Dieu, nous allons sortir victorieux de cette opération, ensemble avec notre peuple et l'Armée syrienne libre", a déclaré M. Erdogan lors des funérailles.

Les combats se concentraient mardi à la frontière turco-syrienne, particulièrement dans le nord et sud-ouest d'Afrine. "Les affrontements sont violents, mais le front est beaucoup moins étendu que la veille", a dit à l'AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l'OSDH.

L'offensive militaire se double d'une répression en Turquie contre les internautes soupçonnés de faire de la "propagande terroriste". Près de cent personnes ont été interpellées depuis lundi, et les manifestations contre l'opération sont interdites.

- Tirs incessants -

Alors que l'aviation et l'artillerie d'Ankara ont repris leur pilonnage mardi, des soldats turcs et leurs alliés arabes syriens ont lancé un nouvel assaut dans le nord-est de la région d'Afrine, pénétrant dans le village de Qastal Jando, selon l'OSDH.

Dans ce secteur, les forces pro-Ankara avaient réussi lundi à prendre le contrôle de la colline de Barsaya, mais celle-ci a été reprise quelques heures plus tard par les YPG.

Des pick-ups blancs surmontés de mitrailleuses gravissaient les routes de terre à flanc de la colline dans des vrombissements de moteurs, alors que le bruit des tirs retentissait sans discontinuer, selon un correspondant de l'AFP.

La Turquie a lancé son opération après l'annonce par la coalition internationale antijihadistes emmenée par les Etats-Unis de la création d'une force frontalière de 30.000 hommes dans le nord syrien, avec notamment des combattants des YPG.

Ankara accuse les YPG d'être la branche en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mène une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984. Des avions turcs ont bombardé lundi des bases arrière du PKK dans le nord de l'Irak.

Mais les YPG sont aussi l'épine dorsale d'une alliance de combattants kurdes et arabes soutenue par Washington dans la lutte contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI) en Syrie.

- Le Conseil de sécurité ne condamne pas -

Plusieurs pays ont exprimé leur préoccupation face à cette opération qui survient alors que les violences ont repris de plus belle en Syrie ces dernières semaines, avec des bombardements du régime à la Ghouta orientale, à l'est de Damas, et à Idleb (nord-ouest).

Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est réuni lundi pour discuter de l'escalade en Syrie, pays ravagé par une guerre complexe depuis 2011 qui a fait plus de 340.000 morts et des millions de déplacés, mais sans émettre de condamnation.

L'Union européenne s'est dite "extrêmement inquiète" lundi, tandis que le Qatar, proche d'Ankara, a exprimé mardi son soutien à l'offensive.

Depuis le début de l'offensive, les YPG ont multiplié les tirs de roquettes contre des villes frontalières turques, faisant au moins deux morts et une cinquantaine de blessés.

En Turquie, les autorités ont empêché deux manifestations contre l'opération et M. Erdogan a prévenu que quiconque y participerait paierait "un prix très élevé".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.