
Jeudi 18 decembre 2025 à 11h33
Beyrouth (Liban), 18 déc 2025 (AFP) — Une attaque menée par un membre des forces de sécurité syriennes contre des militaires américains a mis en évidence des failles dans le mécanisme de recrutement des nouvelles autorités islamistes, incapables d'empêcher l'intégration d'éléments radicaux, estiment des analystes.
L'attentat qui a coûté la vie le 13 décembre à deux militaires et un interprète américains dans la région de Palmyre met dans l'embarras le pouvoir syrien, qui tente de se rapprocher des Etats-Unis, s'est joint à la coalition internationale antijiahdiste et doit agir rapidement s'il veut garder la confiance de l'Occident, selon eux.
- Failles dans le mécanisme de recrutement?
Cette attaque était la première depuis la prise du pouvoir il y a un an par Ahmad al-Chareh, qui a rompu avec son passé jihadiste.
Washington l'a imputée au groupe jihadiste Etat islamique (EI), qui contrôlait par le passé le secteur de Palmyre mais qui ne l'a pas revendiquée.
Les autorités ont indiqué que l'assaillant, tué après l'attaque, était un membre des forces de sécurité qu'elles avaient décidé de limoger en raison de ses "idées islamistes extrémistes".
Il faisait partie de plus de 5.000 membres des forces de sécurité recrutés ces derniers mois pour le vaste désert syrien, selon le ministère de l'Intérieur.
"L'attaque venue des rangs syriens eux-mêmes révèle une des failles majeures de l'Etat", estime Nanar Hawach, de l'International Crisis Group (ICG).
"Soit vous mettez en place un processus de sélection rigoureux mais cela limite le nombre de recrues (...) Soit vous assouplissez les critères (...) et c'est ce qui a été fait", explique Jerome Drevon, spécialisé dans les mouvements jihadistes à l'ICG.
Selon lui, certaines recrues peuvent être "prêtes à combattre les troupes américaines en raison de leur opposition à la décision du gouvernement de collaborer avec les pays occidentaux et de rejoindre la coalition internationale contre l'EI" dirigée par Washington.
Pour Nanar Hawach, ce qui est "préoccupant" est que l'assaillant pourrait ne pas être isolé.
"Comme les autorités ont agi rapidement pour consolider les différentes factions armées dans les structures étatiques, le contrôle, l'intégration et la supervision ont été inégaux, laissant les institutions de sécurité reconstituées de la Syrie vulnérables à l'infiltration", ajoute-t-il.
- Le danger de l'EI?
Une source sécuritaire européenne explique que l'EI "s'est saisi de la liberté" offerte par le changement de pouvoir pour "sortir de son sanctuaire du désert" avec l'objectif de "déstabiliser le pouvoir".
"Il existe un vrai risque lié à l'EI et cela concerne surtout la manière dont ils essaient de se répandre dans les villes, de recruter, d'exploiter la mauvaise situation économique", explique Jerome Drevon en soulignant qu'il "y a de plus en plus d'attaques revendiquées par le groupe".
Après avoir dissous les institutions militaires et sécuritaires de Bachar al-Assad, qu'il a renversé, Ahmad al-Chareh a intégré au sein de la nouvelle armée les groupes armés qui lui étaient alliés, dont des jihadistes étrangers.
Et l'appareil sécuritaire de son bastion d'Idleb (nord-ouest) a formé le noyau des nouvelles forces de la Sécurité générale.
Dans l'embarras après l'attaque anti-américaine, les autorités ont annoncé une opération contre les cellules dormantes de l'EI, avec la coalition antijihadiste, et l'arrestation de membres de la Sécurité générale.
Le gouvernement doit "intensifier ses efforts de renseignement" et améliorer "sa surveillance des nouvelles recrues, afin (...) d'écarter ceux qui affichent les idées les plus radicales", estime M. Drevon.
- La relation avec l'Occident?
Depuis son arrivée au pouvoir, M. Chareh tente de sortir la Syrie d'un long isolement et gagner la confiance de l'Occident.
Mais l'attentat de Palmyre accroît la pression sur le président intérimaire au moment où il veut étendre son autorité sur l'ensemble du territoire syrien, tout comme il remet en question sa capacité à lutter contre l'EI.
"L'incident pourrait accélérer les discussions sur une réduction des troupes américaines en Syrie" et limiter les opérations contre l'EI, estime M. Hawach.
Cela pourrait également inciter les Etats-Unis, dit-il, à se reposer davantage sur les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes et qui ont été le fer de lance de la lutte contre l'EI.
Les FDS sont engagés dans des négociations ardues avec Damas pour leur intégration au sein de l'armée.
Un diplomate occidental à Damas estime que l'attaque de Palmyre pourrait accélérer un accord entre les Kurdes et Damas, qui formeraient ainsi "une alliance solide pour combattre l'EI".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.