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Syrie: importante avancée des forces turques, annonce d'un retrait américain


Dimanche 13 octobre 2019 à 20h44

Qamichli (Syrie), 13 oct 2019 (AFP) — Les forces turques et leurs alliés locaux ont avancé en profondeur en Syrie dimanche, semblant en passe d'achever la première phase de leur offensive contre les forces kurdes, lâchées par Washington qui a annoncé le retrait de près de 1.000 soldats du nord syrien.

Au cinquième jour de l'offensive visant à s'emparer de secteurs frontaliers tenus par une milice kurde syrienne, les autorités kurdes ont annoncé la fuite de près de 800 proches de jihadistes du groupe Etat islamique (EI).

L'assaut de la Turquie vise à instaurer une "zone de sécurité" prodonde de 32 kilomètres pour séparer sa frontière des territoires contrôlés par les Unités de protection du peuple (YPG), une milice qualifiée de "terroriste" par Ankara. Cette "zone" serait susceptible d'accueillir une partie des 3,6 millions de Syriens réfugiés en Turquie.

Illustrant la complexité du conflit syrien, Damas, qui entretient des rapports tendus avec les Kurdes et a dénoncé l'opération d'Ankara, va envoyer des troupes dans le Nord pour "affronter l'agression" de la Turquie.

L'offensive turque a provoqué un tollé international. Partenaires des Occidentaux dans la lutte antijihadistes, les forces kurdes ont accusé Washington de les avoir abandonnées, en retirant lundi leurs soldats des abords de la frontière, ouvrant la voie à l'offensive turque.

Celle-ci doit se concentrer dans un premier temps sur une bande de territoire frontalière entre les villes de Tal Abyad et Ras al-Aïn, distantes d'environ 120 kilomètres.

Dimanche, les forces turques ont conquis Tal Abyad, selon l'agence turque Anadolu et l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Il n'y a plus que Ras al-Aïn qui échappe aux forces turques qui se sont emparées de 40 villages depuis mercredi, selon l'OSDH. "Ces forces ont conquis toute la région frontalière, de Tal Abyad jusqu'à l'ouest de Ras al-Aïn."

- Retrait américain -

Les combats et les bombardements turcs ou de leurs supplétifs ont été violents dimanche, tuant au moins 26 civils selon l'OSDH.

Parmi ces victimes au moins dix ont péri dans un raid de l'aviation turque à Ras al-Aïn, selon l'OSDH. L'agence locale kurde ANHA a rapporté la mort de son correspondant.

Le président américain Donald Trump a ordonné "un retrait délibéré des forces américaines" du nord de la Syrie, selon le chef du Pentagone Mark Esper qui a évoqué "moins" de 1.000 soldats.

"Nous n'avons pas abandonné les Kurdes", s'est-il défendu.

En cinq jours, 104 combattants kurdes et plus de 60 civils ont été tués dans les violences, selon un dernier bilan de l'OSDH. Plus de 130.000 personnes ont été déplacées d'après l'ONU.

Samedi, neuf civils ont été "exécutés" par des rebelles proturcs, selon l'OSDH.

Ankara assure que toutes les mesures sont prises dans le cadre de son opération pour éviter les pertes civiles. La Turquie a annoncé la mort de quatre soldats en Syrie et de 18 civils dans la chute de roquettes kurdes sur des villes frontalières turques.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a répété dimanche sa détermination à poursuivre l'offensive.

"Ceux qui pensent pouvoir nous contraindre à reculer avec ces menaces se trompent", a-t-il dit après que Berlin et Paris ont annoncé la suspension des ventes d'armes qui pourraient être utilisées contre les forces kurdes. Rome a ensuite demandé un "moratoire" européen sur les "ventes d'amres à la Turquie".

- "Ils ont attaqué les gardes" -

La minorité kurde a instauré une autonomie de facto sur de vastes régions du nord et nord-est. Ces secteurs sont sous le contrôle des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance dominée par les YPG.

Damas dénonce cette autonomie. Mais selon l'agence officielle Sana, l'armée syrienne va envoyer des troupes dans le nord pour "affronter l'agression" de la Turquie.

Un responsable kurde s'exprimant sous le couvert de l'anonymat a rapporté des "négociations" entre l'administration semi-autonome kurde et le gouvernement syrien.

L'OSDH a toutefois évoqué un "accord" pour un déploiement de l'armée dans les villes de Minbej et de Kobané (nord).

Fin 2018, alors qu'Ankara avait menacé de lancer une opération, les YPG avaient appelé l'armée à se déployer près de Minbej.

L'offensive turque a ouvert un nouveau front dans le conflit en Syrie, où plus de 370.000 ont été tuées et des millions déplacées depuis 2011.

Kurdes et Occidentaux ont maintes foit dit que l'assaut pourrait entraîner une résurgence de l'EI.

Le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel ont appelé dimanche soir la Turquie à cesser son opération qui "risque de créer une situation humanitaire insoutenable et d'aider Daech à réémerger".

Dimanche, "785 (proches) de membres étrangers de l'EI ont fui le camp d'Aïn Issa", ont affirmé les autorités kurdes. "Ils ont attaqué les gardes et ouvert les portes".

"Toutes les familles de membres de l'EI ont fui", a indiqué à l'AFP un responsable kurde, Abdel Qader Mouahad.

Quelque 12.000 combattants de l'EI, des Syriens, des Irakiens mais aussi 2.500 à 3.000 étrangers originaires de 54 pays, sont détenus dans les prisons sous contrôle des Kurdes, selon leurs statistiques. Les camps de déplacés accueillent quelque 12.000 étrangers, 8.000 enfants et 4.000 femmes.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.