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Syrie: des combattants kurdes abandonnent la lutte anti-EI pour Afrine


Mardi 6 mars 2018 à 20h01

Qamichli (Syrie), 6 mars 2018 (AFP) — Déployés dans l'est syrien pour lutter contre le groupe Etat islamique (EI), des combattants kurdes disent avoir hâte d'abandonner ce front pour venir en aide à leurs frères d'armes cibles d'une offensive turque dans l'enclave d'Afrine, dans le nord-ouest du pays.

Et même si leur allié américain dans la lutte antijihadiste n'ira pas leur prêter main forte, ils se disent déterminés à protéger leur communauté.

Dans la ville de Qamichli, la colère est perceptible aux funérailles de trois combattants kurdes, tombés au combat dans le désert de Deir Ezzor, où se trouve un des derniers réduits jihadistes.

Ils "auraient dû mourir à Afrine", lâche Rochavam Qamichlo, un combattant des Forces démocratiques syriennes (FDS), cette coalition arabo-kurde soutenue par Washington dans la lutte anti-EI.

A côté de lui, des dizaines de personnes se massent autour de trois cercueils, recouverts du drapeau kurde rouge, jaune et vert.

La Turquie a lancé le 20 janvier avec des rebelles syriens une offensive contre l'enclave d'Afrine dans le but d'y déloger la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) --épine dorsale des FDS--, qualifiée de groupe "terroriste" par Ankara et considérée comme une menace à sa frontière.

Plus de 170 civils, dont près de 30 enfants, ont été tués dans les bombardements turcs, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Mardi, les FDS ont annoncé le redéploiement à Afrine de quelque 1.700 combattants basés jusque là dans l'est du pays. Ils doivent être envoyés dans l'enclave en cours de semaine.

- 'Besoin de nous' -

"Ils ont plus que jamais besoin de nous" à Afrine, affirme Rochavam Qamichlo.

"Des centaines de combattants, originaires d'Afrine ou qui ont des proches là-bas sont déjà rentrés pour défendre" la région, indique un haut responsable des FDS, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.

"Et il y a un très fort désir chez les autres combattants d'y aller aussi", reconnaît-il.

A Qamichli, un autre combattant se présentant sous son nom de guerre Nuchine Qamachlo, assure qu'il veut lui aussi rejoindre la lutte à Afrine.

"Nous pouvons affronter les Turcs sans l'aide de la coalition" internationale antijihadistes emmenée par Washington, lance le jeune homme de 25 ans.

Des responsables américains et de la coalition ont affirmé ne pas vouloir s'impliquer sur le front d'Afrine, disant craindre que ces combats ne détournent les FDS des opérations anti-EI.

En attendant, cet abandon américain a un goût amer pour les Kurdes.

"Nous avons combattu Daech et avons aidé la coalition à Raqa, mais celle-ci n'a pas soutenu ses partenaires", a affirmé à l'AFP Abou Omar al-Idlebi, un commandant des FDS, en utilisant un acronyme en arabe de l'EI.

"Nos parents à Afrine constituent une priorité et leur protection est plus importante que les décisions prises par la coalition, a-t-il ajouté lors d'une conférence de presse à Raqa.

Les FDS ont été le fer de lance de la guerre pour déloger les jihadistes de Raqa, ancien chef-lieu de l'EI, ainsi que de Deir Ezzor.

- 'Solution juste' -

Galvanisés par un sentiment communautariste, d'autres combattants kurdes ont afflué vers Afrine en provenance de la ville de Qamichli, de la région de Kobané, de la province de Hassaké, ou encore du quartier kurde de Cheikh Maqsoud à Alep, selon Rezan Hedo, un conseiller des YPG à Afrine.

"La perte d'Afrine serait une perte pour tout le Rojava", souligne Nuchine Qamachlo, en référence au nom kurde du territoire semi-autonome dans le nord et le nord-est de la Syrie.

"Nous protégerons Afrine de toutes nos forces et nous affronterons les Turcs comme nous l'avons fait avec Daech", ajoute le jeune homme.

Estimés à 15% de la population, opprimés pendant des décennies sous le régime du clan Assad, les Kurdes ont profité de la guerre en Syrie pour établir une autonomie de facto dans les territoires qu'ils contrôlent dans le nord du pays.

Ankara n'a jamais accepté cette autonomie, craignant de voir sa propre communauté kurde développer des aspirations similaires.

"Cette région ne retrouvera jamais la stabilité tant qu'aucune solution juste n'est trouvée pour le peuple kurde", a indiqué Abdel Salam Ahmad, un responsable du mouvement kurde pour une société démocratique.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.