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Syrie: des civils tués dans un raid aérien malgré la trêve annoncée par Ankara


Vendredi 18 octobre 2019 à 13h47

Tal Tamr (Syrie), 18 oct 2019 (AFP) — Des raids aériens de la Turquie ont tué des civils vendredi dans le nord de la Syrie, selon une ONG, malgré la trêve pourtant acceptée par Ankara pour suspendre son offensive meurtrière contre des forces kurdes.

L'opération lancée par Ankara depuis le 9 octobre avec des supplétifs syriens a ouvert un nouveau front dans la Syrie en guerre depuis 2011, où les forces kurdes partenaires des Occidentaux dans la lutte contre le groupe Etat islamique (EI) ont accusé Washington de les avoir abandonnées.

Jeudi soir, après une intervention des Etats-Unis, la Turquie a accepté de suspendre cinq jours l'offensive qui a provoqué un tollé international, réclamant toutefois un retrait des forces kurdes de sa frontière pour y mettre un terme définitif.

Mais cinq civils et quatre combattants des forces kurdes ont péri vendredi dans une frappe aérienne de l'aviation d'Ankara sur le village de Bab al-Kheir, dans le nord syrien, a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Le village se trouve à l'est de la ville frontalière de Ras al-Aïn, secouée par des "combats sporadiques", selon l'OSDH.

Une correspondante de l'AFP présente côté turc de la frontière avait pu entendre en début de matinée des frappes d'artillerie et des explosions, tandis que des volutes de fumée blanche s'élevaient dans le ciel du côté syrien.

Rapportant des frappes aériennes et des bombardements à l'artillerie, les forces kurdes ont accusé la Turquie de "violer" le cessez-le-feu.

"Malgré l'accord pour un arrêt des combats, les attaques aériennes et à l'artillerie continuent de viser des positions des combattants, des zones civiles et l'hôpital de Ras al-Aïn", a dénoncé sur son compte twitter Mustafa Bali, un porte-parole des Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition dominée par les forces Kurdes.

- "Mépris honteux" -

La veille, le chef des FDS, Mazloum Abdi, avait annoncé que ses forces étaient prêtes à "respecter le cessez-le-feu".

L'offensive d'Ankara a permis aux forces turques et à leurs supplétifs syriens de conquérir une bande frontalière de près de 120 km, allant de la ville de Tal Abyad à Ras al-Aïn.

Dans un communiqué vendredi, Amnesty International a accusé "les forces militaires turques" et les rebelles proturcs d'avoir "fait preuve d'un mépris honteux pour les vies civiles", évoquant des "preuves accablantes de crimes de guerre".

Désormais les combats se concentrent à Ras al-Aïn, conquise à moitié par les forces turques, d'après l'OSDH, même si les FDS ont livré une résistance farouche.

Les autorités kurdes ont tenté de dépêcher vendredi une équipe médicale à Ras al-Aïn pour tenter d'évacuer les blessés des derniers jours, a indiqué à l'AFP Hassan Amin, un responsable de l'hôpital de Tal Tamr, une ville plus au sud.

"La situation des blessés est critique et leur nombre élevé", a indiqué M. Amin, assurant que "l'équipe médicale n'avait pas été autorisée à entrer" dans la ville, l'OSDH accusant les rebelles proturcs.

Plus tard un correspondant de l'AFP à Tal Tamr a rapporté le départ d'un autre convoi de 200 véhicules qui doit aider à évacuer les civils.

L'opération turque a tué 72 civils, et 235 combattants des FDS, selon un dernier bilan de l'OSDH, qui indique également que 187 combattants proturcs ont péri. Environ 300.000 personnes ont été déplacées par les combats, selon l'OSDH.

La Turquie a fait état de la mort de six soldats turcs en Syrie et de 20 civils tués dans les villes frontalières par des tirs des combattants kurdes syriens.

- "Deux gamins" -

Le président américain Donald Trump s'était félicité jeudi soir de la trêve annoncée.

Mais M. Trump, qui a ordonné le 6 octobre le retrait des forces américaines dans le nord syrien, a expliqué qu'il avait sciemment décidé de laisser les Turcs et les Kurdes se lancer dans cette bataille féroce parce qu'ils étaient "comme deux gamins".

"Comme deux gamins, on les laisse se bagarrer un peu, et puis on les sépare", a-t-il lancé lors d'un déplacement au Texas.

Des remarques jugées "choquantes" par Brett McGurk, l'ancien envoyé spécial de la présidence américaine auprès de la coalition anti-EI.

La Turquie attend des forces kurdes qu'elles se retirent d'un secteur d'une profondeur de 32 km.

Ce secteur doit être transformé à terme en "zone de sécurité", l'objectif étant d'éloigner de la frontière la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), mais aussi d'y installer une partie des 3,6 millions de réfugiés syriens vivant en Turquie.

Ankara n'a pas précisé la longueur de ce secteur. Par le passé le président Erdogan avait menacé de pousser son offensive sur près de 480 km, jusqu'à la frontière irakienne.

L'opération turque a rebattu les cartes en Syrie. En vertu d'un accord avec les forces kurdes, le régime de Damas est revenu dans des régions qui lui échappaient depuis des années et Moscou a rempli le vide laissé par les forces américaines.

Quant aux pays occidentaux, ils craignent une résurgence de l'EI, qui profiterait du chaos sécuritaire provoqué par l'offensive.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.