Page Précédente

Syrie: attentat suicide dans une région kurde, le souk d'Alep brûlé


Dimanche 30 septembre 2012 à 18h43

ALEP (Syrie), 30 sept 2012 (AFP) — Un attentat suicide meurtrier à la voiture piégée a frappé dimanche pour la première fois en 18 mois de conflit en Syrie une ville à majorité kurde, Qamichli, dans le nord-est du pays.

A Alep, dans le nord, l'armée syrienne bombardait plusieurs secteurs de la ville après des combats nocturnes avec les rebelles dans cette métropole où les échoppes du célèbre vieux souk ont brûlé, selon des habitants et l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

L'attentat de Qamichli a fait au moins 4 morts et plusieurs blessés selon la télévision d'Etat syrienne, qui n'a pas précisé la cible de l'attaque.

Le chef de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane, a fait état d'un bilan d'au moins 8 morts et plus de 15 blessés parmi les forces de l'ordre, ajoutant qu'il s'agissait du premier attentat de ce genre dans cette ville.

Les comités locaux de coordination (LCC), un groupe formé de militants anti-régime, ont évoqué de leur côté une "énorme explosion" et un incendie "dans un complexe de la Sécurité" à Qamichli, localité située à 680 km au nord-est de Damas, dans la province de Hassaka.

Cette ville est habitée en grande majorité par des Kurdes qui se sont prudemment engagés dans la révolte contre Damas, cherchant surtout à tenir leur région à l'abri des violences.

Selon M. Abdel Rahmane, l'armée s'est retirée il y a plusieurs mois des régions kurdes du nord et le bâtiment visé par l'attentat est le siège principal de la Sécurité pour l'ensemble de la zone kurde. L'Armée syrienne libre (ASL), principale composante de l'opposition armée, n'est pas présente dans cette région qui ne compte que quelques groupes rebelles autonomes.

"La terre a tremblé"

Une vidéo postée sur YouTube par des militants montre un épais nuage de fumée s'échappant des bâtiments de la ville.

Les habitants ont été effrayés par la puissance de la déflagration. "J'ai parlé avec ma famille qui habite à trois kilomètres du lieu de l'attentat, ils étaient terrifiés", a déclaré à l'AFP Massoud Akko, militant kurde en exil.

"La terre a tremblé sous nos pieds, la force de l'explosion était inouïe", a dit un autre militant, qui se fait appeler Serdar.

A Alep, une partie du souk classé au patrimoine de l'humanité par l'Unesco a été détruite par les flammes, samedi, quand les rebelles ont tenté de s'infiltrer dans cette zone tenue par l'armée, provoquant des affrontements à la mitrailleuse lourde.

Les boutiques aux portes de bois, remplies d'étoffes et de broderies, se sont rapidement consumées. Cinq de la vingtaine de marchés formant le grand souk, comme le souk des femmes, celui de l'or ou encore des abayas, ont été entièrement détruits.

Dimanche, l'épaisse fumée noire s'était dissipée dans les ruelles du souk mais l'armée empêchait les commerçants de se rendre sur place pour évaluer les dégâts et des échanges de tirs résonnaient encore, selon des commerçants interrogés par l'AFP.

"L'histoire ne pardonnera pas"

"J'ai vu mon magasin brûlé à la télévision, je suis venu pour constater les dégâts", a affirmé l'un d'eux à l'AFP sous le couvert de l'anonymat.

"Je suis comme tétanisé. C'est une sale guerre, et nous en sommes les perdants. Nous avons perdu notre travail, et maintenant nous avons perdu notre magasin -- il brûle devant nos yeux", a expliqué Mohamed, un autre commerçant, âgé d'une cinquantaine d'années, qui dit avoir hérité de l'échoppe de son père et y avoir passé la plus grande partie de sa vie.

Dans la matinée, l'armée avait encore bombardé plusieurs secteurs d'Alep. La ville subit depuis jeudi ses plus violents combats depuis son entrée dans le conflit en juillet.

Les violences ont aussi touché dimanche les provinces de Deraa (sud), Idleb (nord-ouest), Hama (centre) et Deir Ezzor (est), cibles de bombardements intensifs de l'armée contre les rebelles, selon l'OSDH, qui s'appuie sur un réseau de militants sur le terrain.

A l'ouest de Damas, neuf soldats ont par ailleurs été tués dans une attaque rebelle contre un barrage militaire, a ajouté l'OSDH.

Dans la capitale même, les corps de huit hommes qui avaient disparu lors d'une opération de l'armée ont été retrouvés près de l'hôpital militaire Techrine, dans le quartier de Barzé.

Selon l'OSDH, 70 personnes ont été tuées dimanche. Depuis le début de la révolte en mars 2011, plus de 30.000 ont été tuées, en majorité civiles, selon l'ONG.

Alors qu'aucune issue au conflit n'est en vue en raison des divisions de la communauté internationale, le représentant à Damas de l'émissaire international Lakhdar Brahimi, Mokhtar Lamani, a selon l'ONU rencontré le colonel Qassem Saadeddine, porte-parole en Syrie de l'ASL, dans la province de Homs (centre).

Le chef de la diplomatie irakienne, Hoshyar Zebari, a pour sa part estimé que le régime de Bachar al-Assad avait "la capacité de se maintenir encore" mais qu'il était "confronté à de véritables difficultés, en particulier économiques".

En Turquie, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a appelé sans ménagement la Russie, la Chine et l'Iran à mettre un terme à leur soutien au régime de Damas: "L'histoire ne pardonnera pas ceux qui se sont mis du côté de ces régimes cruels".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.