Page Précédente

Syrie: Ankara frappe des milices kurdes soutenues par Washington


Jeudi 20 octobre 2016 à 16h14

Ankara, 20 oct 2016 (AFP) — L'armée turque a mené jeudi des bombardements meurtriers contre des milices kurdes syriennes qu'elle considère comme des "organisations terroristes", bien qu'elles soient appuyées par Washington dans la lutte contre le groupe Etat islamique.

Citant un communiqué de l'armée, l'agence de presse progouvernementale Anadolu a affirmé qu'entre 160 et 200 membres des Unités de protection du peuple kurde (YPG), branche armée du parti kurde syrien PYD, avaient été tués dans 26 frappes menées dans la nuit de mercredi à jeudi dans la région d'Alep mais ce bilan ne pouvait être confirmé de source indépendante dans l'immédiat.

L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), une ONG qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie, a pour sa part fait état de 11 tués et 24 blessés dans ces frappes.

Elles ont visé selon l'OSDH des zones prises ces derniers jours à l'EI par les Forces démocratiques syriennes (FDS), une coalition arabo-kurde soutenue par Washington.

"Terroristes" pour Ankara, partenaires efficaces dans la lutte contre l'EI pour Washington: le dossier des milices kurdes de Syrie empoisonne depuis plusieurs mois les relations entre la Turquie et les Etats-Unis, deux piliers de la coalition antijihadiste et de l'Otan.

Ces frappes turques, les plus intenses depuis le début de l'intervention d'Ankara dans le nord de la Syrie en août, surviennent alors que des discussions sont en cours sur les modalités d'une éventuelle offensive contre la ville de Raqa, bastion syrien de l'EI.

La Turquie, qui redoute la constitution d'une région autonome kurde dans le nord de la Syrie à sa frontière, est contre la participation des milices kurdes à une telle opération.

Le secrétaire américain à la Défense, Ash Carter, est attendu en Turquie vendredi et doit notamment s'entretenir avec les dirigeants turcs des derniers développements en Syrie et en Irak, où une offensive d'envergure est en cours pour déloger l'EI de Mossoul, son bastion irakien.

- 'Agression flagrante' -

Le gouvernement turc considère le PYD et les YPG comme des organisations étroitement liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) qui mène une rébellion sanglante sur le territoire turc depuis plus de 30 ans.

Plusieurs bâtiments, dépôts d'armes et véhicules utilisés par les YPG ont été détruits dans les frappes turques, selon Anadolu.

Selon l'agence, des obus tirés depuis la Syrie se sont écrasés dans des zones inhabitées en Turquie jeudi matin. L'artillerie turque a répliqué en bombardant des positions des YPG de l'autre côté de la frontière.

Dans un communiqué, l'administration semi-autonome kurde en Syrie a dénoncé une "agression flagrante" d'Ankara et demandé à la communauté internationale de "faire directement pression sur la Turquie pour qu'elle arrête ses attaques".

Le représentant à Paris de cette administration semi-autonome, Khaled Issa, a accusé Ankara de chercher, par le biais de ces frappes "d'empêcher ou perturber les préparatifs des FDS pour la libération de Raqa".

Ankara a lancé le mois dernier une opération terrestre sans précédent dans le nord de la Syrie, envoyant des chars et des militaires pour appuyer l'opposition syrienne qui a délogé l'EI de plusieurs positions, dont le village de Dabiq, qui revêt une valeur symbolique pour les jihadistes.

Cette opération, baptisée "Bouclier de l'Euphrate", vise à chasser l'EI de la frontière turco-syrienne, un objectif considéré comme rempli par Ankara, mais aussi à empêcher la jonction des zones contrôlées par les milices kurdes dans le nord de la Syrie.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a prévenu mercredi que la Turquie était prête à agir seule, même en dehors de ses frontières, pour éliminer la menace "terroriste".

La Turquie "n'attendra plus que les problèmes frappent à sa porte (...) Désormais, nous irons à la rencontre des organisations terroristes, où qu'elles se trouvent", a déclaré le chef de l'Etat turc. "Plutôt que nous occuper des mouches, nous allons assécher le marais", a-t-il ajouté.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.