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Soulaimaniyeh, havre de paix pour les sunnites au Kurdistan d'Irak


Vendredi 24 août 2007 à 08h59

SOULAIMANIYEH (Irak), 24 août 2007 (AFP) — Riches ou pauvres, éduqués ou analphabètes, les arabes sunnites irakiens affluent à Soulaimaniyeh pour échapper aux violences et trouver un havre de paix au sein d'une communauté kurde pourtant sauvagement réprimée par le régime de Saddam Hussein.

Des centaines de familles s'entassent dans un camp de fortune sur un terrain vague de la banlieue de cette ville située à flanc de montagne dans le Kurdistan, dans le nord de l'Irak, une région épargnée par la violence.

Thaer Mahjoub Aziz, un fermier père de neuf enfants qu'il envoie chaque jour en ville pour mendier, accuse le gouvernement à majorité chiite d'ignorer ces déplacés.

"Ils ont parlé des Irakiens réfugiés en Syrie ou en Jordanie, mais pas de ceux déplacés à l'intérieur de l'Irak", dit-il, montrant sa carte de rationnement mensuelle inutilisable car personne ne peut recevoir de nourriture ici.

Le fermier s'est installé dans ce camp boueux avec d'autres habitants de la province de Diyala, au sud du Kurdistan et théâtre de violences confessionnelles quotidiennes. La plupart sont des paysans ayant abandonné fermes, champs et bétail pour survivre dans la pénurie.

"Nous n'avons pas de vêtements pour les enfants, parfois nous faisons du riz ou ce que nous trouvons. Il n'y a pas de légumes, nous avons vraiment besoin d'aide", supplie Oum Douaa, qui doit bientôt accoucher dans un camp sans dispensaire.

"Depuis 18 mois, 3.672 familles, soit environ 18.500 personnes, se sont installées à Soulaimaniyeh. Et il y a aussi 12.000 célibataires venus chercher du travail", explique Mahmoud Othman, le patron des services de recensement de la ville.

Selon lui, 70% des arrivants sont des arabes sunnites. Ils fuient l'insécurité chronique qui mine le pays depuis l'invasion américaine en mars 2003. Walid Chiad Nief, représentant des réfugiés originaires de Bagdad, précise que sur les 53 familles venues de Bagdad, seules trois sont chiites.

"L'Armée du Mahdi (la milice du chef radical chiite Moqtada Sadr) nous a donné 24 heures pour partir. Ils ont dit: +Partez ou vous serez maudits+. Nous avons laissé notre maison, nos meubles pour sauver nos vies", raconte Jalal al-Wan.

Sa famille vivait depuis 30 ans à Bagdad. Sa tribu, qui rassemble chiites et sunnites, est devenue la cible des bandes armées des deux confessions. "Nous avons choisi Soulaimaniyeh car c'est la ville la plus sûre d'Irak", ajoute cet homme de 59 ans.

Tous les réfugiés assurent avoir été bien accueillis dans le Kurdistan, pourtant victime de la répression sauvage du régime sunnite de l'ancien président Saddam HUssein.

Des associations comme le Croissant rouge ou des organisations caritatives kurdes ont fourni tentes, eau, nourriture, vêtements et couvertures. Pour le maire-adjoint Gortiar Nori, tout le monde fait de son mieux.

Pendant que les pauvres s'entassent en banlieue, les plus riches se sont installés dans des hôtels et des appartements du centre-ville, où ils trouvent la sécurité, des magasins pleins et des restaurants.

Plus d'une centaine de réfugiés ont un doctorat et 5.500 sont étudiants, selon le recensement.

Assise dans les salons du meilleur hôtel de la ville, Ban Ayoub regarde ses deux enfants, orphelins de père, s'amuser. Venue pour quatre jours depuis Bagdad, elle veut désormais s'installer à Soulaimaniyeh.

"J'étais une femme au foyer, je vivais comme une reine, dit-elle. Tout a changé quand mon mari est mort dans une explosion il y a quatre ans".

Devenue traductrice, elle quitte son domicile, situé dans un quartier sunnite de Bagdad, à 07H00 pour revenir le soir préparer le repas et s'occuper des enfants. Ceux-là sont considérés comme chiites, la confession de leur père.

"C'est très difficile d'être veuve, lance-t-elle. Je suis comme un homme, en fait je suis Superman".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.