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Sirri Süreyya Önder, Turc, prokurde et "virtuose" du dialogue


Samedi 3 mai 2025 à 16h20

Ankara, 3 mai 2025 (AFP) — Le député prokurde de Turquie Sirri Süreyya Önder, décédé samedi, était une figure respectée même de ses adversaires, capable de s'adresser au-delà de son cercle politique pour promouvoir la paix avec le groupe armé kurde PKK.

L'élu du Parti de l'égalité et de démocratie des peuples (DEM, prokurde) était né en 1962 dans une famille turque et socialiste d'Adiyaman dans le sud-est à majorité kurde du pays.

Doté de cette double culture, d'une ténacité à toute épreuve et d'une solide répartie, il a joué un rôle clé dans le dialogue entre Ankara et le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) depuis l'automne dernier, comme il l'avait fait une première fois entre 2013 et 2015.

"Son tempérament et son parcours ont fait qu'il est devenu un virtuose dans l'art de s'adresser à tous", indiquait à l'AFP l'ancien président du HDP (le prédécesseur du DEM), Ertugrul Kürkçü.

A plusieurs reprises depuis la fin 2024, Sirri Önder avait rencontré avec d'autres responsables du DEM le fondateur du PKK, Abdullah Öcalan, détenu depuis 26 ans sur une ile au large d'Istanbul, et des responsables turcs, dans le cadre d'un dialogue initié par Ankara.

Fin février, M. Öcalan a appelé le PKK à déposer les armes et à "se dissoudre" pour mettre fin à quatre décennies de guérilla qui ont fait plus de 40.000 morts.

- "Postier de la paix" -

"Je serai le postier de la paix s'il le faut. Je donnerai ma vie pour cela", affirmait M. Önder pour faire taire les critiques.

Son hospitalisation à la suite d'une rupture de l'aorte, mi-avril, avait provoqué une émotion considérable dans la classe politique turque.

Le président Recep Tayyip Erdogan - qui ne manque jamais d'accuser le DEM de liens avec le PKK - avait appelé la fille de M. Önder pour l'assurer qu'il suivait "de près" son état de santé.

"C'est le résultat des efforts (de M. Önder) en faveur de la liberté, de la justice et de la paix jusqu'à ses 62 ans", a écrit Ali Duran Topuz, sur le journal en ligne Arti Gercek.

"Les événements semblent déprimants, mais des jours meilleurs sont en réalité proches", affirmait Sirri Süreyya Önder en souriant en 2018, à la veille de son incarcération pour un an pour "propagande terroriste".

La prison, il l'a connue dès ses 16 ans, pour avoir participé à une manifestation, puis de nouveau après le coup d'Etat de 1980, torturé puis incarcéré pendant sept ans.

- "Député des arbres" -

Apprenti d'un photographe, camionneur puis ouvrier dans le bâtiment, il devient par la suite réalisateur, chroniqueur presse et TV, auteur notamment d'une fiction multi-récompensée en 2006, "Beynelmilel" (L'Internationale), sur la répression du coup d'état de 1980.

"Alors que la plupart des films turcs sur le coup d'Etat de 1980 se concentrent sur la défaite et le découragement de la gauche, Beynelmilel est un des rares films à ce sujet à donner de l'espoir", souligne Mazlum Vesek, spécialiste du cinéma turc.

En 2013, il était aux premiers rangs des manifestations de Gezi, le grand mouvement de contestation parti d'Istanbul initialement pour défendre un parc: "Je suis aussi le député des arbres", lançait-il aux policiers.

Depuis sa prison, le chef historique du PKK Abdullah Öcalan avait publié après l'hospitalisation de M. Önder un message soulignant "ses grands efforts pour la paix".

"C'est quelqu'un qui brise les préjugés. Il les a brisés dans la société, au parlement et dans les rues", affirmait le leader kurde.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.