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Scepticisme sur les chances de succès de l'unification du Kurdistan


Jeudi 11 mai 2006 à 10h03

ERBIL (Irak), 11 mai 2006 (AFP) — L'accord signé dimanche unifiant le Kurdistan irakien et scellant la réconciliation des deux partis kurdes historiques laisse sceptiques de nombreux Kurdes sur ses chances de succès.

Le Parlement kurde a voté à Erbil, à 350 km au nord de Bagdad, à l'unanimité, la mise en place d'une seule administration dans les trois provinces du Kurdistan, dans le nord de l'Irak.

La région autonome est divisée depuis 1991, entre le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Massoud Barzani, qui contrôlait les provinces de Dohouk et d'Erbil et l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Jalal Talabani -l'actuel président irakien- régnant sur la province de Souleimaniyah, à l'ouest.

Un sanglant conflit faisant près de 3.000 morts a opposé les peshmergas (combattants) des deux partis au milieu des années 1990.

Les Kurdes qui critiquent cet accord considèrent que l'unification est de pure forme et que rien ne changera au quotidien.

"Tous les pouvoirs vont rester entre les mains des partis politiques", juge Sardar Mohammed, un journaliste indépendant de Souleimaniyah, ajoutant qu'en raison d'une opposition faible, voire inexistante, les deux partis règnent en maître.

Les forces de sécurité kurdes vont rester loyales à leur leader respectif, tandis que les questions clé touchant à la répartition des pouvoirs ne vont pas être tranchées, laissant de nombreux Kurdes dans l'expectative sur les chances de voir des changements dans leur vie.

"Ils ont fait l'unité pour la forme, mais les choses vont rester en l'état. Jusqu'à présent, ils n'ont pas fait grand chose pour le peuple", lance Ali Omar, un officier de police sceptique, qui affirme continuer à recevoir son salaire de l'UPK à Souleimaniyah.

A Erbil, Karim Saïd, qui tient un magasin de chaussures, espère au contraire que l'accord va apporter des résultats concrets.

"L'unité va apporter plus de sécurité et de stabilité dans la région et en Irak en général," estime-t-il.

Une administration unifiée devrait permettre de réaffirmer les revendications majeures kurdes, notamment sur la question sensible de Kirkouk que les Kurdes considèrent comme leur.

Kirkouk, ville située au sud de la zone autonome, au coeur d'une région riche en pétrole, est disputée entre Kurdes, Arabes et Turcomans.

Le contrôle des quatre ministères clé du gouvernement kurde autonome -Défense, Intérieur, Finances et Justice- reste un point de friction entre les partis.

Interrogé par l'AFP sur les raisons pour lesquelles les négociations précédant l'accord n'avaient pas permis de résoudre cette question, Imad Ahmed, vice-premier ministre du Kurdistan, a déclaré: "donnez nous plus de temps, nous avons connu la démocratie depuis peu".

"Les problèmes sont toujours nés de ces quatre ministères. S'ils n'ont pas réussi à s'entendre sur cette question, en quoi l'unité apporte un changement", relève Sardar Mohammed.

"Aucun des deux partis n'acceptera jamais d'être dans l'opposition. Chacun veut être le vainqueur, c'est la raison pour laquelle la guerre civile a éclaté", a-t-il ajouté.

Selon lui, l'unité a créé "l'une des plus grandes bureaucraties au monde", car "aucune des deux administrations ne souhaite céder une once de pouvoir".

Leur impossibilité à coopérer rend la vie difficile au quotidien pour les Kurdes, laissent percer les voix critiques. Ainsi les systèmes de télécommunications sont difficiles entre les deux zones du Kurdistan autonome, car chaque parti contrôle dans sa zone une compagnie de téléphone.

Pour les séparatistes kurdes turcs du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) qui sont au Kurdistan irakien, l'accord vient trop tard.

Un des commandants du PKK, qui a établi un camp dans les montagnes du Kurdistan, Cemil Bayik, a affirmé à l'AFP que "l'unité est une avancée, mais elle arrive trop tard. C'est un accord formel. Il n'est pas réel".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.