Mardi 7 novembre 2006 à 15h40
BAGDAD, 7 nov 2006 (AFP) — L'ex-président irakien Saddam Hussein est revenu devant ses juges mardi pour répondre de "génocide" contre les Kurdes, deux jours après sa condamnation à mort par pendaison dans un autre procès à Bagdad, où la situation était calme après la levée d'un couvre-feu exceptionnel.
Le président irakien déchu a rejeté mardi le témoignage d'un rescapé kurde sur des exécutions sommaires dont les habitants de son village du Kurdistan irakien et ses proches auraient été victimes en 1988.
"Qui peut vérifier ces faits" a lancé l'ancien homme fort de l'Irak lors de la 21e audience de ce procès, en l'absence des avocats de la défense, qui protestaient contre le choix du juge.
Apparu détendu en retrouvant le box des accusés, Saddam a affirmé qu'il aimait les Kurdes "comme les Arabes", en lançant un appel à la "réconciliation" entre les deux communautés.
Saddam Hussein et six coaccusés, dont son cousin Hassan al-Majid, dit "Ali le chimique", sont jugés pour avoir ordonné et mis en oeuvre les campagnes militaires d'Anfal en 1987-1988 dans le Kurdistan, qui ont fait 180.000 morts, selon l'accusation. Tous risquent la peine de mort.
Dimanche, Saddam Hussein, 69 ans, a été condamné à mort dans le premier procès intenté contre lui et sept coaccusés, pour avoir ordonné l'exécution de 148 villageois chiites dans les années 1980.
Une procédure d'appel automatique a été engagée. Mais la chambre d'appel ne devrait pas rendre sa décision avant janvier ou février, a expliqué lundi soir le procureur général du Haut tribunal pénal, Jaafar al-Moussaoui.
Les avocats jordaniens de Saddam Hussein ont réclamé mardi l'annulation du verdict, "prononcé sous l'occupation".
Le parti Baas irakien dissous, au pouvoir sous Saddam Hussein, a menacé quant à lui de lancer des attaques contre le secteur ultra-protégé du centre de Bagdad en cas d'application de la sentence de mort.
S'il "est exécuté, le parti oeuvrera par tous les moyens disponibles pour détruire les sièges des ambassades et des services de renseignements inféodés (aux Etats-Unis) dans la Zone verte", affirme le "commandement" du Baas.
Alors que la condamnation à mort continue d'être critiquée dans le monde, l'Iran a demandé aux autorités irakiennes de ne pas "céder aux pressions".
En attendant, le couvre-feu exceptionnel instauré dimanche par les autorités qui craignaient un déchaînement des violences près le verdict contre Saddam Hussein a été levé mardi à Bagdad.
La capitale a retrouvé ses embouteillages quotidiens, après la levée totale de l'interdiction de la circulation automobile à 06H00 (03H00 GMT), et l'aéroport international a été rouvert.
Sur le plan militaire, l'armée américaine a annoncé de nouvelles pertes mardi, jour des élections de mi-mandat aux Etats-Unis sur lesquelles la guerre en Irak pèse lourdement.
Un soldat américain a succombé aux blessures infligées par l'explosion d'une bombe au nord-ouest de Bagdad, portant à 2.833 le nombre des militaires américains décédés en Irak depuis son invasion en mars 2003, selon un décompte de l'AFP basé sur les chiffres du Pentagone.
Cinquante-sept fonctionnaires irakiens, dont des policiers de haut rang, ont été inculpés mardi pour la torture supposée de centaines de détenus d'une prison de l'est de Bagdad, a par ailleurs annoncé le ministère de l'Intérieur.
Dans le procès d'Anfal, le tribunal a notamment écouté mardi le témoignage de Qahar Khalil Mohammed, qui a raconté la venue le 25 août 1988 de l'armée irakienne dans son village du Kurdistan.
Les militaires irakiens "nous ont emmenés hors du village et ont séparé hommes, femmes et enfants. L'armée a rassemblé 37 hommes et a commencé à tirer sur nous sans distinction", a déclaré ce rescapé.
"Au total, 33 personnes ont été tuées, j'ai perdu mon père et mes deux frères. Quant à moi j'ai reçu une balle au dos et au front", a dit le témoin, ôtant son turban et son habit pour montrer les traces.
Le procès pour "génocide" des Kurdes reprendra mercredi.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.