
Mardi 7 novembre 2006 à 13h43
BAGDAD, 7 nov 2006 (AFP) — Saddam Hussein, condamné dimanche à mort par pendaison pour le massacre de villageois chiites, est revenu mardi devant ses juges pour répondre cette fois de "génocide" contre les Kurdes. Calmement, il a récusé le témoignage d'un rescapé kurde détaillant massacres et sévices.
"Personne n'est en mesure de corroborer ce témoignage", a-t-il estimé, dans une brève intervention au ton mesuré, mardi matin, visant à remettre en cause la crédibilité du premier témoin.
Le président déchu ne s'est livré a aucune manifestation intempestive et n'a fait aucun commentaire sur le verdict rendu dimanche.
Arborant son habituelle barbe poivre et sel, vêtu d'une chemise blanche et d'un costume de couleur sombre, il est même apparu détendu et souriant en prenant son siège au box des accusés, lors de la 21e audience de son procès pour "génocide" contre les Kurdes.
Le premier témoin kurde, Qahar Khalil Mohammed, un fermier de 52 ans, est originaire du village de Quromai, près de Dohouk, au Kurdistan (nord). Comme des dizaines de témoins avant lui, il a raconté la destruction de son village par l'armée irakienne.
"Le 25 août 1988, les habitants d'un village voisin nous ont prévenu que l'armee irakienne allait nous attaquer et que personne ne survivrait. La fuite était impossible, certains dans le village proposaient de se rendre, d'autres de se suicider. Nous avons envoyé une délégation d'anciens aux militaires irakiens, qui ont juré par Saddam et sur le Coran qu'une amnistie avait été déclarée et qu'il ne nous arriverait rien de mal", a raconté en kurde le témoin.
Mais après leur reddition, les soldats irakiens ont séparé les hommes des femmes et des enfants.
"Ils nous ont conduit a quelques centaines de mètres du village, un officier a ordonné +par terre+, puis un autre a crié +feu+. Je les ai entendu recharger leurs fusils à trois reprises", a poursuivi le témoin, qui à la demande du juge Mohammed al-Oreibi al-Khalifa a volontiers montré les cicatrices des impacts, des marques rouges sur son front et dans son dos.
"Je veux que le monde entier voie mes cicatrices. Mon père et deux de mes frères ont été tués ce jour-là, ainsi que 18 membres de ma famille", a assuré le témoin, qui a pu ensuite s'echapper avec quatre autres survivants... pour mieux retomber aux mains de ses bourreaux, quelques jours plus tard.
"Nous sommes restés deux jours enfermés dans une pièce sans eau ni nourriture, nous étions blessés, puis un médecin militaire est venu nous voir, il nous a hurlé dessus: +Je vais vous soigner au tournevis+. Il a enfoncé un tournevis dans la blessure à la jambe d'un autre villageois", a décrit Qahar, qui a été libéré après trois ans de prison et de mauvais traitements.
Le second témoin, Abdul Karim Nayif Hassan, du même village, a vécu la même histoire. Lui aussi a survécu à l'exécution programmée. "Quand nous sommes revenus chez nous, le village avait été détruit. Je suis retourné à l'endroit où on nous avait fusillé et j'ai trouvé quatre fosses communes", a-t-il raconté.
"Plus tard, des étrangers de l'organisation Human Rights Watch sont venus exhumer les victimes, ils ont trouvé les corps de 27 personnes", a-t-il expliqué, tandis que des images montrant l'exhumation de fragments de squelettes étaient projetées.
L'audience a repris en l'absence des avocats de la défense qui boycottent le procès pour protester contre la nomination du juge Mohammed al-Oreibi al-Khalifa due, selon eux, à une intervention du gouvernement. La défense est assurée par des avocats commis d'office mais les accusés les récusent.
Saddam Hussein et six accusés, dont son cousin Hassan al-Majid, dit "Ali le chimique", sont jugés pour avoir ordonné et mis en oeuvre les campagnes militaires d'Anfal, en 1987-1988 dans le Kurdistan irakien, qui ont fait 180.000 morts, selon l'accusation. Tous risquent la peine de mort.
Dimanche, l'ancien homme fort de Bagdad a été condamné à la peine de mort par pendaison pour l'exécution de 148 villageois chiites en représailles d'un attentat contre son convoi dans les années 1980.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.