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Ruée vers les aéroports du Kurdistan d'Irak avant l'interdiction des vols


Vendredi 29 septembre 2017 à 16h33

Erbil (Irak), 29 sept 2017 (AFP) — De nombreux étrangers se sont empressés vendredi de quitter le Kurdistan irakien, juste avant la suspension sine die des vols internationaux, décrétée par le pouvoir à Bagdad en représailles au référendum sur l'indépendance dans cette région autonome.

Les derniers avions vers l'étranger ont quitté dans l'après-midi les aéroports d'Erbil et de Souleimaniyeh, où les passagers ont acheté, souvent à prix d'or, les derniers billets, avant l'entrée en vigueur de l'interdiction à 18H00 (15H00 GMT).

L'interdiction de voler à partir et vers les aéroports du Kurdistan (nord) ne concerne pas les vols humanitaires, militaires et diplomatiques, a affirmé Talar Faiq Saleh, la directrice de l'aéroport international d'Erbil, la capitale du Kurdistan.

L'appareil de la compagnie Austrian Airlines a été le dernier à quitter Erbil pour Vienne à 16H00, et celui d'Iraqi Airways le dernier à décoller de Souleimaniyeh pour Dubaï.

"Je suis désolée de la situation dans laquelle nous nous trouvons. L'Autorité de l'Aviation (civile) est supposée être un (organisme) indépendant mais en Irak n'importe qui peut prendre une décision", a déploré Mme Saleh. Les responsables à Bagdad "devraient cesser de punir leur propre peuple".

L'interdiction a été décidée par le Premier ministre Haider al-Abadi comme mesure de rétorsion après le vote massif lundi en faveur du "oui" au référendum d'indépendance initié par le président kurde Massoud Barzani.

M. Abadi a assuré qu'il ne s'agissait "pas d'une punition mais d'une mesure légale approuvée par le Conseil des ministres".

- Poursuite des vols intérieurs -

"Le contrôle par le gouvernement des postes-frontières terrestres et des aéroports au Kurdistan n'a pas pour objectif d'affamer les gens mais de lutter contre la corruption", a-t-il poursuivi.

"Les vols intérieurs se poursuivront et les vols internationaux reprendront dans la région (du Kurdistan) si l'autorité des transports est transférée" au pouvoir central, un transfert conforme à la Constitution selon le Premier ministre.

Dans la matinée, le ministère des Transports du Kurdistan a demandé au pouvoir à Bagdad "d'ouvrir des négociations sur sa décision au sujet des vols".

Même si les autorités kurdes ont cherché à calmer le jeu en disant qu'elles ne proclameraient pas automatiquement l'indépendance, Bagdad a exclu dans l'immédiat tout dialogue.

"Il n'y a aucune négociation, ni officielle, ni secrète, avec les responsables kurdes. Et il n'y en aura pas tant qu'ils ne déclareront pas les résultats du référendum caducs, et ne remettront pas aux autorités de Bagdad leurs postes-frontières, leurs aéroports et les régions disputées", a dit un haut responsable irakien.

A l'aéroport de Souleimaniyeh, "ceux qui partent sont des étrangers, des Arabes et des Kurdes ayant une autre nationalité", a affirmé Dana Mohammad Saïd, porte-parole de l'aéroport. "Ceux qui arrivent sont des Kurdes qui se trouvaient à l'étranger" et qui ne veulent pas être bloqués à l'extérieur.

"Nous étions supposés rentrer au Brésil samedi mais avons dû changer notre vol", a affirmé à l'AFP Isodoro Junior, bénévole dans une ONG d'assistance médicale aux déplacés irakiens à l'aéroport d'Erbil.

"Nous sommes un groupe de 16 personnes, il a été particulièrement difficile de trouver des places. L'un d'entre nous est arrivé ici à 02H00 pour s'assurer que nous partir", raconte le volontaire de 32 ans, faisant la queue devant le comptoir d'enregistrement du vol pour Istanbul.

Au comptoir de la compagnie turque, l'aller simple pour Istanbul se vendait 743 dollars. Mais ceux qui avaient acheté le billet en ligne l'ont payé beaucoup plus cher.

"J'ai réservé mon vol en ligne il y a deux heures (...) Ça m'a coûté 1.500 dollars!" s'exclame un passager britannique qui a refusé de dire son nom. "En plus, ils m'ont fait payer deux fois par erreur. Ça fait 3.000 dollars l'aller simple vers Istanbul".

- '3, 2, 1, Kurdistan!' -

Les étrangers entrent au Kurdistan avec un visa délivré par les autorités kurdes, qui n'est pas reconnu par Bagdad.

Au moment du départ du dernier avion, quelque 200 Kurdes ont manifesté devant l'aéroport d'Erbil, munis de ballons colorés et de pancartes appelant à l'"unité" et à l'"égalité", ainsi que de drapeaux kurdes.

"3, 2, 1, Kurdistan!" ont-ils scandé. "Je suis déçue. Le ciel appartient aux étoiles. Nous pensions que le référendum serait positif. Il y avait bien sûr des craintes mais nous espérions que les choses se passeraient pacifiquement", dit Tara Ghafour, 18 ans.

Après avoir vainement demandé aux Kurdes de renoncer au référendum, les Etats-Unis ont appelé au "dialogue" et au "calme".

Le référendum a été rejeté par les pays voisins comptant des minorités kurdes, l'Iran, la Turquie et la Syrie.

Sur un autre plan, la coalition internationale antijihadistes dirigée par les Etats-Unis a estimé que cette crise avait un impact sur les offensives contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI).

Vendredi, les forces irakiennes ont lancé un assaut contre la ville de Hawija (nord), dans la province de Kirkouk, limitrophe du Kurdistan.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.