Page Précédente

Revendiquée par les Kurdes, Khanaqine est déjà sur le sentier de la guerre


Vendredi 26 septembre 2008 à 09h55

KHANAQINE (Irak), 26 sept 2008 (AFP) — A Khanaqine, ville kurde de la province de Diyala dans l'est de l'Irak, les responsables locaux sont sur le sentier de guerre et préviennent qu'il y aura une explosion des violences si le pouvoir central n'accepte pas leur rattachement au Kurdistan.

"Notre message au gouvernement (irakien) est simple. Appliquer la Constitution et autoriser la tenue d'un référendum local d'auto-détermination", explique à l'AFP Mala Bakhtyar, membre du bureau politique de l'Union patriotique du Kurdistan (UPK), le parti du chef de l'Etat irakien Jalal Talabani.

"Si le gouvernement ne fait rien, il y aura des troubles politiques et des violences", avertit-il.

Le chef kurde appelle à couper tout lien avec le gouvernement central de Bagdad et souhaite que Khanaqine intègre la région autonome du Kurdistan (nord). Khanaqine "fait partie du Kurdistan historique".

Située à 170 km à l'est de Bagdad, la ville a des allures de ville du bout du monde, avec ses ruelles poussiéreuses aux immeubles délabrés des années 1970. Elle est située au nord de la province mixte de Diyala, bastion d'Al-Qaïda et l'une des régions les plus dangereuses d'Irak.

La route de Bagdad, désertée à partir de la mi-journée, y est parsemée de carcasses de véhicules calcinés, y compris de ceux de la police.

Mais la ville d'environ 200.000 habitants, à 97% Kurdes chiites selon ces derniers, échappe à cette insécurité. Elle est gardée par les peshmergas, les combattants du gouvernement autonome kurde.

Le drapeau rouge, vert et blanc du Kurdistan flotte partout sur la ville, sur les barrages, les bâtiments publics et de nombreuses habitations.

Durant la politique d'arabisation de l'ancien président sunnite Saddam Hussein, dans les années 1980, un grande nombre de Kurdes chiites avaient été déplacés par la force. Ils sont revenus en force en 2003 à la chute du régime.

Lui-même commandant des peshmergas, Mala Bakhtyar a dirigé la prise de la ville en mars 2003. "Quand nous sommes arrivés ici, il y avait 36 militaires américains et pas de troupes irakiennes. Je suis venu à la tête de 4.000 à 5.000 hommes", assure le chef militaire kurde, carrure d'athlète et moustache en croc, assis à son bureau flambant neuf face à une télévision dernier cri.

Selon lui, les peshmergas assurent une meilleure sécurité à Khanaqine, les forces irakiennes et leurs alliés américains dans le reste de Diyala.

"Il n'y a pas de combattants d'Al-Qaïda ici, pas de violence. Pourquoi alors des troupes irakiennes"? demande-t-il. Le gouvernement central "devrait nous remercier plutôt que nous demander de déguerpir!"

En juin 2006, le conseil municipal de Khanaqine avait demandé que la région soit intégrée au Kurdistan. Or en août 2008, l'armée irakienne a exigé le départ des peshmergas des bâtiments publics.

L'ultimatum a provoqué la colère des Kurdes dont les combattants n'ont pas bougé d'un pouce, et a déclenché une crise.

Depuis, des négociations sont en cours entre l'UPK et le gouvernement central. Mais elles ne progressent guère, selon le patron local de l'UPK, qui ne voit qu'une solution au problème: "l'intégration au Kurdistan".

Derrière le conflit se cache la question des réserves de pétrole de Khanaqine, qui attisent les convoitises.

Pour le maire de la ville, le Kurde Mohammed Mala Hassan, 52 ans, "nous sommes assis sur un océan de pétrole mais, faute d'argent pour commencer l'exploitation, nous n'en tirons aucun profit".

Holster à l'épaule, escorté d'une imposante cohorte de gardes du corps armés, le maire rappelle que le premier puits d'or noir en Irak a été découvert en 1927 dans sa ville. "Mais nous n'avons pas de raffinerie ici, alors que dans les années 1970, nous avions près de 35 puits, qui ont été fermés par Saddam".

Pour lui, il n'y a qu'"un seul moyen de résoudre pacifiquement la crise" et commencer à exploiter du pétrole: "En organisant un référendum".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.