
Mardi 9 mai 2006 à 06h11
VAN (Turquie), 5 mai 2006 (AFP) — Le procès de deux militaires et d'un informateur de la gendarmerie turque, accusés d'avoir commis un attentat à la bombe dans le but supposé de déstabiliser le Sud-Est anatolien à majorité kurde, a repris vendredi à Van (sud-est).
Les trois prévenus, deux sergents-chefs et un rebelle repenti du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), encourent une peine d'emprisonnement à vie incompressible pour "participation à des actions visant à briser l'unité du pays", meurtre et tentative de meurtre.
Ils sont accusés d'avoir commis le 9 novembre un attentat à la bombe qui avait fait un mort et six blessés dans une librairie appartenant à un ancien membre du PKK à Semdinli, une localité située aux confins de l'Iran et de l'Irak.
Le sous-officier Ali Kaya, qui avait entamé sa déposition jeudi en plaidant son innocence et celle de l'ensemble des forces de sécurité, a répondu vendredi aux questions d'avocats de la partie civile désireux de faire la lumière sur les pratiques du service de renseignement auquel il appartient.
"Depuis 1991, dans cette région de Bingöl-Diyarbakir-Hakkari (trois villes du Sud-Est, ndlr), plus de 1.000 meurtres dont l'auteur est inconnu ont été commis. Sur combien d'entre eux vos travaux ont ils apporté un éclairage?", a attaqué Me Sezgin Tanrikulu, bâtonnier de Diyarbakir.
La Turquie a été accusée dans les années 1990, au plus fort de la rébellion kurde, d'avoir fermé les yeux sur des pratiques d'exécutions sommaires, d'enlèvements et de trafic de drogue dans le Sud-Est.
Le conflit kurde a fait plus de 37.000 morts depuis le début du soulèvement du PKK.
La plupart des questions, accueillies avec hostilité par les avocats de la défense, ont reçu des réponses laconiques.
Dans son acte d'accusation, le procureur chargé du dossier avait considéré l'attentat comme une provocation visant à déstabiliser le Sud-Est, où PKK et armée s'affrontent depuis 1984, et à faire capoter le processus d'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.
Il avait aussi accusé le général Yasar Büyükanit, commandant de l'armée de terre, d'avoir créé à la fin des années 1990, alors qu'il était en poste dans la région, une "organisation clandestine" et d'avoir tenté d'"influencer" les tribunaux par des propos en faveur d'un des auteurs présumés de l'attentat.
La partie civile a tenté de revenir sur cette implication supposée d'un haut gradé, en demandant au prévenu s'il avait été "félicité" par celui-ci pour ses bons et loyaux services.
A quoi le sergent-chef a répondu une fois encore par une brève négation.
Ali Kaya avait imputé la veille l'attentat au PKK et justifié la présence de son équipe à proximité du lieu de l'explosion par des travaux de filature et de collecte de renseignement concernant le libraire.
Les avocats de la partie civile, qui avaient demandé jeudi le remplacement du président de la cour -selon eux partial-, ce sont insurgés de la présence, dans une salle d'audience exiguë au point de ne pouvoir les contenir tous, d'une dizaine de gendarmes en civil, venus assurer la sécurité des prévenus, selon le juge.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.