Page Précédente

Réfugiés en Irak, les Kurdes de Syrie maudissent Trump et Erdogan


Mardi 22 octobre 2019 à 18h34

Camp de réfugiés de Bardarach (Irak), 22 oct 2019 — "Que Dieu nous venge de Trump et d'Erdogan": le ressentiment est grand chez les plus de 7.500 Kurdes de Syrie désormais réfugiés en Irak après "la trahison" américaine et la "tragédie" de l'offensive turque.

Depuis qu'Ankara et ses supplétifs syriens ont lancé une opération contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG) le 9 octobre dans le nord-est syrien, le nombre de réfugiés n'a cessé d'enfler au Kurdistan irakien frontalier.

Les tentes du camp de déplacés de Bardarach, plantées dans la province de Dohouk (nord-ouest) pour accueillir dans le passé les Irakiens fuyant le groupe Etat Islamique (EI), abritent aujourd'hui un nombre croissant de Kurdes de Syrie ayant échappé à l'offensive turque.

- "Morts dans les rues" -

Le président turc Recep Tayyip "Erdogan a envoyé ses supplétifs nous attaquer et il nous a fermé la porte au nez", se lamente l'une de ces réfugiées kurdes, préférant ne pas donner son nom.

Quant à "la coalition internationale contre l'EI, elle nous a trahis par surprise et nous a abandonnés", poursuit cette femme originaire de Ras al-Aïn, ville frontalière avec la Turquie et parmi les premières touchées par les bombardements turcs.

"Les avions bombardaient nos maisons, alors tout le monde est parti", dit-elle, évoquant une "tragédie". "Il y avait plein de morts dans les rues et personne pour les enterrer".

Sous son foulard bleu nuit, elle lance: "que Dieu nous venge de Trump et d'Erdogan qui ont tant fait souffrir notre peuple!", maudissant le président américain Donald Trump qui a ordonné le 6 octobre le retrait de ses soldats de Syrie, ouvrant la voie à l'offensive turque.

Lundi, quand des blindés américains ont quitté la Syrie pour rejoindre une base américaine dans le nord de l'Irak, ils ont d'ailleurs été accueillis par les Kurdes des deux pays par des insultes et des fruits lancés sur leurs véhicules.

"Il faut arrêter le tyran Erdogan", s'emporte de son côté Mohammed Ali, tout juste arrivé avec ses cinq enfants de la ville syrienne de Qamichli (nord-est). Il raconte à l'AFP qu'il a laissé derrière lui "la discorde, le mal, les bombardements et les destructions" et en appelle "à l'ONU et aux Etats-Unis".

- "Jusqu'à 50.000 réfugiés" -

Chaque jour, des centaines de Kurdes de Syrie arrivent au point de passage frontalier informel d'al-Walid, où les attendent des combattants kurdes irakiens, les peshmergas.

Ces derniers les escortent vers des bus qui les emmènent vers le camp de Bardarach, non loin du nord-est syrien où les Kurdes jouissaient depuis le début de la guerre en Syrie en 2011 d'une semi-autonomie.

"Durant le premier jour passé sur place, la plupart des personnes dépistées par notre équipe de santé mentale présentaient des signes d'anxiété et de dépression", explique dans un communiqué Marius Martinelli, responsable de projet de l'ONG Médecins sans frontière (MSF) dans la zone.

L'ONU et les humanitaires prévoient d'accueillir en Irak jusqu'à 50.000 Syriens au cours des prochains mois, assure l'ONG Conseil norvégien pour les réfugiés (NRC).

"Non seulement à cause des combats, mais aussi de la peur de ce qui va advenir ensuite", affirme dans un communiqué Rishana Haniffa, directrice du NRC en Irak.

Plus de 7.500 Kurdes syriens ont traversé la frontière vers l'Irak, selon ONG locales et internationales. Ce nombre risque d'augmenter, assurent les ONG, alors que la trêve négociée entre Washington et Ankara expire mardi à 19H00 GMT.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.