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Référendum: le ton se durcit entre Bagdad et Erbil après une décision de justice


Lundi 18 septembre 2017 à 14h56

Bagdad, 18 sept 2017 (AFP) — Le ton s'est durci lundi entre Bagdad et Erbil avec la décision de la Cour suprême irakienne de suspendre le référendum au Kurdistan tandis que le ministre britannique de la Défense allait rencontrer le président kurde Massoud Barzani pour renforcer la pression.

Après deux votes du Parlement fédéral à Bagdad hostiles au référendum, la plus haute juridiction du pays a décidé la suspension du vote dans la région autonome pour inconstitutionnalité.

Le porte-parole de la Cour suprême, Ayas al-Samouk, a expliqué à l'AFP que l'instance avait "reçu plusieurs plaintes", dont une requête en inconstitutionnalité soumise par le Premier ministre Haider al-Abadi et a donc "décidé qu'il fallait suspendre le référendum" prévu dans une semaine.

M. Barzani a déjà indiqué qu'une victoire du "oui" ne mènerait pas à une déclaration d'indépendance immédiate mais plutôt au début de "discussions sérieuses avec Bagdad" pour "régler tous les problèmes". Ce référendum est principalement, assurent les experts, un moyen de pression pour arracher au pouvoir à Bagdad des concessions sur les contentieux du pétrole et des finances.

M. Abadi, qui répète régulièrement être prêt au dialogue avec M. Barzani, a toutefois durci ces derniers jours le ton: il s'est dit prêt à une "intervention militaire" en cas de menace venue notamment des combattants kurdes peshmergas.

Son prédécesseur, Nouri al-Maliki, désormais vice-président, a lui comparé l'indépendance du Kurdistan à la création d'un "deuxième Israël", provoquant une passe d'arme avec le vice-président du Parlement kurde Jaafar Aimenky qui lui a sèchement répondu. "Israël n'a pas tué autant d'Arabes que Nouri al-Maliki pendant toutes ses années au pouvoir", a-t-il dit.

Dans le même temps, Ankara, qui dénonce depuis des mois le référendum d'Erbil, a débuté lundi un exercice militaire à la frontière avec le Kurdistan, assurant poursuivre en parallèle "des opérations anti-terroristes dans la région frontalière" en proie à des combats quotidiens entre l'armée turque et les séparatistes kurdes du PKK.

Les craintes s'accroissent également sur de possibles violences entre Irakiens, impliquant notamment les peshmergas et la myriade d'unités paramilitaires disséminées à travers le pays qui pourraient se disputer les zones reprises aux jihadistes.

L'influent commandant chiite Hadi al-Ameri, chef de l'organisation Badr, puissant groupe paramilitaire irakien soutenu par Téhéran, a multiplié ces derniers temps les mises en garde contre "la guerre civile". Il a effectué lundi une visite surprise dans la province disputée de Kirkouk, où les tensions sont les plus latentes.

- Décision 'unilatérale' -

L'Iran a menacé dimanche de fermer sa frontière avec le Kurdistan et de mettre fin à tous les accords de sécurité qui les lient --et qui ont joué un grand rôle pour arrêter la percée fulgurante des jihadistes en 2014.

Alors que les craintes de violences se multiplient, d'autres acteurs ont plaidé pour la voie diplomatique et le dialogue.

L'ONU a proposé à Erbil d'abandonner ce référendum en échange de son aide pour mener sous trois ans des négociations concluantes avec Bagdad. Elle n'a jusqu'ici pas reçu de réponse de M. Barzani.

Le ministre britannique de la Défense Michael Falon doit rencontrer le président kurde dans l'après-midi pour lui redire que Londres "ne soutient pas le référendum" qu'il a qualifié d'"erreur dangereuse". D'autres pays pourraient également endosser la proposition onusienne.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a dénoncé "une décision unilatérale" qui va "amoindrir" la lutte contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI), menée par les forces fédérales irakiennes et les peshmergas, appuyés par la coalition internationale emmenée par Washington.

Depuis plusieurs jours, à l'approche du rendez-vous électoral, les diplomates onusiens, américains, britanniques, européens ou des pays voisins comme la Turquie et l'Iran --vent debout contre un projet qui pourrait faire tache d'huile dans leur propre minorité kurde-- se succèdent auprès de M. Barzani.

Parmi eux, l'ancien ambassadeur saoudien à Bagdad, Thamer al-Sabhan, a proposé à M. Barzani un report du référendum en échange d'investissements dans la région autonome qui traverse sa pire crise économique, a indiqué à l'AFP un responsable kurde sous le couvert de l'anonymat.

M. Barzani affirme depuis des mois qu'il n'annulera ou ne reportera le référendum que si de meilleures options lui sont proposées pour garantir les droits de son peuple, durement réprimé sous le régime de Saddam Hussein, mais qui bénéficie désormais d'une autonomie élargie.

Une délégation kurde était attendue mardi à Bagdad alors que le Premier ministre irakien est parti pour l'Assemblée générale de l'ONU à New York.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.