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Rapt à Bagdad: "Sunnites, chiites, Kurdes: ils prenaient au hasard"


Jeudi 14 decembre 2006 à 13h42

BAGDAD, 14 déc 2006 (AFP) — "Sunnites, chiites, Kurdes: ils prenaient les gens au hasard", raconte un témoin après le spectaculaire enlèvement jeudi de dizaines de personnes en plein jour et au coeur Bagdad à quelques centaines de mètres de la "zone verte", le secteur ultra-protégé de la capitale.

"Une vingtaine de véhicules 4X4 flambant neufs, similaires à ceux du gouvernement, sont arrivés. Il y avait une centaine d'hommes armés portant des uniformes militaires", raconte Mohammed Motaie, un vendeur de thé de la rue commerçante Rachid.

Mohammed Motaie est encore sous le choc. Il vient d'assister à l'enlèvement de dizaines de personnes. Entre 40 et 50, selon une source de sécurité. Plus selon quelques témoins.

"Au début, ils ont coupé les deux extrémités de la rue et ont annoncé: +pas de panique. nous sommes en mission+. Mais, une fois qu'ils maîtrisaient bien la situation, ils ont pris des gens au hasard: sunnites, chiites, Kurdes".

"Les voitures étaient accompagnées par quatre ambulances", a-t-il poursuivi, accusant policiers et soldats de ne pas être intervenus malgré leurs appels.

"Comment puis-je combattre contre des gens vêtus d'uniformes des forces gouvernementales", s'est justifié un policier en faction devant une banque à proximité. "J'ai trente balles dans mon arme. Eux, ils ont beaucoup de munitions avec lesquelles ils peuvent faire face à une armée".

Un garde privé qui se trouvait sur un toit affirme: "les soldats sont entrés dans les boutiques en criant +Arrêtez tout le monde+. J'ai voulu tirer mais j'avais peur qu'ils tuent quelqu'un dans la boutique".

"Un homme a crié: +je suis du Dawa (chiite, parti du Premier ministre). Ils lui ont répondu ironiquement: +bienvenu. nous te cherchions", avant de l'embarquer, a-t-il poursuivi, précisant que les assaillants avaient emporté l'argent des boutiques.

Selon des témoins, l'opération a duré entre une demi-heure et une heure. Pendant ce temps, de nombreux voisins ou habitants ont fui le quartier pour se réfugier sur la rive du Tigre ou même traverser un pont voisin qui enjambe le fleuve en direction de la "zone verte".

Agé de 42 ans, Qasim Mohammed Ibrahim, un chiite propriétaire d'une boutique, est lui aussi sous le choc. Trois de ses frères font partie des personnes enlevées

"Par Allah, ils n'ont rien fait de mal! Je ne comprends pas pourquoi ils ont été enlevés".

Sabah Aabu, un quinquagénaire chrétien, ne peut lui aussi que constater la disparition de son fils du restaurant familial: "je l'ai quitté cinq minutes avant (l'arrivée des ravisseurs). J'ai essayé de le contacter mais son portable est éteint".

Un responsable local du Conseil supérieur de la Révolution islamique en Irak (CSRII, chiite), témoignant sous le sceau de l'anonymat, a affirmé qu'il avait contacté les autorités pour savoir s'il s'agissait de forces régulières.

"La réponse a été tardive. Il n'y a pas d'Etat, pas de gouvernement. Chacun doit défendre sa maison et son quartier", déplore-t-il.

Signe de l'anarchie ambiante régnant à Bagdad: quand les vraies forces de sécurité sont arrivées après le rapt, les rues du quartier se sont vidées, les gens craignant un nouvel enlèvement.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.