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Rapatriements de Syrie: magistrats et enquêteurs espèrent la poursuite des retours


Mardi 12 juillet 2022 à 12h50

Paris, 12 juil 2022 (AFP) — Le rapatriement la semaine dernière de femmes et d'enfants français de jihadistes retenus en Syrie en annonce-t-il d'autres ? Des acteurs du monde judiciaire et de l'antiterrorisme espèrent que les autorités poursuivront sur leur lancée, malgré l'hostilité de l'opinion publique.

Le 5 juillet, 16 femmes et 35 mineurs, qui vivaient pour certains depuis la chute en 2019 du groupe Etat islamique dans des camps du nord-est de la Syrie tenus par les forces kurdes, ont été ramenés en France.

Toutes les femmes, visées soit par un mandat d'arrêt soit par un mandat de recherche émis par la justice française, ont été mises en examen pour association de malfaiteurs terroriste criminelle et écrouées, dès leur arrivée sur le sol français ou à l'issue de quelques jours de garde à vue.

Les enfants ont été pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance et répartis dans des familles d'accueil.

Ces retours marquent-ils un revirement de la position de l'Elysée ?

Lors de son premier quinquennat, le président Emmanuel Macron s'était montré très réticent à faire revenir les ressortissants français partis faire le jihad en Syrie, conscient qu'une large majorité de Français y était résolument hostile. Seuls quelques enfants ont été rapatriés, selon la doctrine du "cas par cas".

Mais alors que d'autres pays ont récupéré leurs ressortissants ces derniers mois, la position de Paris s'est infléchie.

Selon Laurent Nunez, le coordinateur du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, il reste encore une centaine de femmes et près de 250 enfants français sur place.

"Chaque fois que nous le pourrons, nous procéderons à des opérations de rapatriement", a-t-il déclaré à l'AFP. "Evidemment en priorité pour des enfants qui sont en situation de détresse, et puis pour des raisons sécuritaires (...) il y aura des opérations de femmes".

"Des considérations sécuritaires ça veut dire quoi ? Ça veut dire éviter que ces personnes s'égaillent dans la nature et qu'il est peut-être préférable de les avoir dans ces conditions en France, ici, judiciarisées, comme le sont de toute façon tous les adultes", a justifié le haut responsable.

- Mettre fin à l'impunité -

Les femmes rentrées la semaine dernière sont désormais "sous main de justice" et "vont rendre des comptes judiciairement pour les crimes commis en Syrie", salue un acteur de l'antiterrorisme interrogé par l'AFP, pour qui cela met fin à "l'impunité" dont elles jouissaient jusqu'à présent.

Rapatrier les Français de la zone "évite qu'ils soient dispersés dans la nature et essaient de revenir en France pour commettre des frappes", justifie-t-il.

Le risque était "plus grand" de les laisser sur place, insiste cette source, alors que, dans un contexte de tensions géopolitiques croissantes, les camps tenus par les Kurdes en Syrie sont "extrêmement poreux" et sujets à de "nombreuses évasions".

Pour les enquêteurs, les retours permettent aussi de recueillir les dépositions des personnes afin de reconstituer les parcours des jihadistes et alimenter les investigations. Avec, pour but ultime, de pouvoir juger ces personnes.

"Notre pays a tout à fait les moyens et les capacités de juger quelques dizaines de femmes jihadistes de plus", avait assuré lundi sur RTL François Molins, le procureur général près la Cour de cassation.

Pour ce dernier, la France a, par ailleurs, un devoir envers les enfants de ces camps.

"Il faut effectivement ramener ces enfants et les ramener tous", avait-il déclaré. "Ces enfants qui sont Français, dont certains sont nés là-bas, n'ont rien demandé, subissent une situation dont ils ne sont pas responsables et qui met en danger leur santé, leur sécurité et leur éducation".

Selon le haut magistrat, qui avait en 2018 émis la crainte que ces enfants ne soient des "bombes à retardement", il faut assurer "un suivi psychologique à long terme" à ceux qui ont "participé" ou "assisté" à "des horreurs" commises en Syrie.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.