Jeudi 27 février 2025 à 19h02
Paris, 27 fév 2025 (AFP) — Ils doivent pour le moment rester emprisonnés en Syrie: la cour administrative d'appel de Paris s'est déclarée incompétente jeudi pour demander à la France de réétudier le rapatriement de Français partis combattre en Syrie, contrairement à la situation d'une famille elle aussi retenue par les forces kurdes.
La juridiction avait été saisie par plusieurs Français confrontés au refus des autorités françaises de les rapatrier dans leur pays. Notamment trois combattants ayant rejoint les rangs de l'Etat islamique (EI) entre 2014 et 2016 et une mère et ses quatre enfants.
Dans ses arrêts, la cour a estimé que la situation des trois hommes, retenus dans la prison de Derik, située dans le nord de la Syrie, ne relevait pas "de circonstances exceptionnelles" et se refuse de ce fait "à tout contrôle de la décision du ministre des affaires étrangères rejetant leur demande de rapatriement".
Elle s'est basée sur un arrêt de la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) de 2022 qui, tout en condamnant la France pour son refus de rapatrier des familles, précisait que les requérants devaient être confrontés à des "circonstances exceptionnelles" avec notamment des situations de "grande vulnérabilité".
"Je suis assez éberlué! On parle d'hommes qui sont détenus en dehors de tout cadre légal dont on sait, et c'est documenté, qu'ils sont détenus dans des conditions qui s'apparentent à des traitements inhumains, quand on sait qu'elles sont probablement soumises à des actes de torture, voire des crimes de guerre", s'est indigné Me Etienne Mangeot, l'avocat des familles des jihadistes.
Ces clients font tous l'objet d'un mandat d'arrêt pour des faits d'association de malfaiteurs terroriste. Parmi eux, un homme bien connu des autorités françaises: Adrien Guihal, alias Abou Oussama al-faransi.
Ce vétéran du jihad français a oeuvré au sein des organismes médiatiques de l'organisation État islamique (EI). Il a notamment prêté sa voix à la revendication audio de l'attentat de Nice, qui a fait 86 morts le 14 juillet 2016.
Adrien Guihal, 40 ans aujourd'hui, avait rejoint la Syrie en 2015 avant d'être capturé en mai 2018.
C'est sa mère qui a demandé au Quai d'Orsay le rapatriement de son fils en décembre 2022. Une demande refusée par le ministère, puis par le tribunal administratif qui s'était déclaré incompétent.
- "Grande victoire" -
Dans un autre arrêt, et pour la première fois concernant une demande de rapatriement, la cour administrative d'appel s'est déclarée compétente pour étudier la requête d'une mère et de ses quatre enfants, dont le dernier est né dans le camp de Roj où la famille est retenue dans le nord-est de la Syrie depuis 2018.
Les concernant, la cour estime que les circonstances exceptionnelles sont bien présentes, étant donné les "conditions de dénuement, d'insalubrité et d'insécurité extrêmes" mais aussi "des menaces directes pesant sur l'intégrité physique et la vie des enfants", qui se trouvent dans "une situation de grande vulnérabilité".
"C'est une grande victoire pour cette famille, pour ces enfants. C'est une grande victoire pour nous! La cour ouvre enfin la voie vers la fin de l'arbitraire", s'est réjouie Me Marie Dosé, l'avocate de la requérante, qui se bat depuis des années pour obtenir un rapatriement.
S'agissant de rapatriements, le tribunal administratif a également été saisi par plusieurs familles de femmes et d'enfants dont toutes les demandes avaient été refusées courant 2024 par le ministère des Affaires étrangères. Le tribunal se prononcera dans les prochains jours. Il pourrait contraindre la France à réexaminer les situations de tous les requérants.
Selon les chiffres du collectif des Familles unies, au moins 120 enfants français et 50 femmes sont encore détenus en Syrie.
La France a cessé à l'été 2023 les rapatriements collectifs malgré plusieurs condamnations internationales.
Depuis la chute de l'État islamique il y a six ans, le quai d'Orsay estime que les personnes accusées de complicité avec l'EI devraient être jugées sur place.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.