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Raïssi promet de punir les "ennemis" de l'Iran, un manifestant tué


Jeudi 27 octobre 2022 à 16h54

Paris, 27 oct 2022 (AFP) — Le président iranien Ebrahim Raïssi a promis de punir les auteurs d'un attentat meurtrier contre un sanctuaire chiite, dans un pays toujours sous tension, où les forces de sécurité ont tué trois manifestants jeudi, selon une ONG.

Six semaines après la mort de Mahsa Amini, qui a été l'étincelle de la contestation, les manifestations se poursuivent à travers l'Iran, malgré une répression meurtrière et des centaines d'arrestations.

Mercredi, un attentat revendiqué par le groupe jihadiste Etat islamique (EI) a fait 15 morts dans un important sanctuaire musulman chiite de Chiraz, dans le sud de l'Iran.

Le président Raïssi a semblé établir un lien entre les deux, estimant que les "émeutes" déclenchées par la mort de Mahsa Amini ouvraient la voie à des attaques "terroristes".

La jeune Kurde iranienne, âgée de 22 ans, est décédée le 16 septembre trois jours après son arrestation à Téhéran par la police des moeurs qui lui reprochait d'avoir enfreint le code vestimentaire strict de la République islamique, imposant aux femmes le port du voile en public.

Tout comme les étudiants, jeunes femmes et écolières sont montées en première ligne de la contestation d'une ampleur sans précédent depuis trois ans en Iran, brûlant leur voile et bravant les forces de sécurité.

Les dirigeants iraniens accusent principalement les Etats-Unis, ennemi juré de l'Iran, d'être derrière ces événements.

- "Diviser" la nation -

"L'intention de l'ennemi est de perturber les progrès du pays et ces émeutes ouvrent la voie à des actes terroristes", a déclaré jeudi M. Raïssi lors d'une visite dans la ville de Zanjan (nord-ouest).

Il avait déjà accusé mercredi "les ennemis de l'Iran" de chercher "à diviser les rangs unis de la nation (...) par la violence et la terreur", promettant une réponse sévère des forces de sécurité à l'attaque de Chiraz.

L'EI a déjà revendiqué des attaques en Iran depuis celle du 7 juin 2017, quand des hommes armés et des kamikazes avaient attaqué à Téhéran le Parlement et le mausolée du fondateur de la République islamique, l'ayatollah Khomeiny, faisant 17 morts.

Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a appelé jeudi le pays à s'unir pour combattre le "complot" fomenté par les "ennemis de l'Iran".

Dans ce contexte, les manifestations se sont poursuivies dans la nuit puis jeudi.

Un rassemblement s'est notamment tenu jeudi sur la tombe de Nika Shahkarami, 16 ans, près de la ville occidentale de Khorramabad, 40 jours après qu'elle eut été tuée par les forces de sécurité, selon le groupe de défense des droits HRANA basé aux États-Unis.

"Je tuerai, je tuerai, quiconque a tué ma soeur", scandaient les manifestants dans une vidéo publiée par HRANA sur Twitter.

Des jeunes se sont également rassemblés pour lui rendre hommage dans les universités de Téhéran et de Karaj, à l'ouest de la capitale, selon d'autres images partagées.

À Mahabad (ouest), les forces de sécurité ont ouvert le feu jeudi, tuant au moins trois personnes, a annoncé le groupe de défense des droits humains Hengaw, selon lequel une foule avait encerclé des bureaux gouvernementaux.

Ces incidents ont éclaté après l'enterrement d'un manifestant de 35 ans, Ismaïl Mauludi, tué mercredi soir, alors que la foule se dirigeait vers les bureaux du gouverneur, a ajouté Hengaw.

"Nous ne devrions pas pleurer nos jeunes, nous devrions les venger", criaient les manifestants, selon l'ONG basée en Norvège, qui défend les droits des Kurdes d'Iran.

- Manifestations nocturnes -

Dans la nuit, des explosions avaient été entendues quand les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des manifestants à Marivan, une ville de la province du Kurdistan (ouest), selon une vidéo publiée par Hengaw.

"Mort au dictateur", criaient les manifestants qui avaient allumé des feux dans les rues de la ville voisine de Bukan, selon ce groupe. Des scènes similaires ont été signalées à Ilam, une ville de l'ouest également, proche de la frontière avec l'Irak.

D'autres manifestants ont encerclé une base de la milice paramilitaire des Bassidj à Sanandaj, une autre ville du Kurdistan, allumant des feux et repoussant les forces de sécurité, selon Hengaw.

Défiant un lourd dispositif de sécurité, criant "Femme, vie, liberté", une foule de plusieurs milliers d'hommes et de femmes s'était réunie mercredi autour de la tombe de Mahsa Amini à Saghez, sa ville d'origine au Kurdistan, pour un hommage à la fin du deuil traditionnel de 40 jours.

"Cette année est l'année du sang, Seyed Ali sera renversé", criait un groupe sur une vidéo authentifiée par l'AFP, en référence au guide suprême iranien.

Après ce rassemblement, des manifestants se sont dirigés vers les bureaux du gouverneur dans le centre de la ville, où, selon des médias iraniens, certains auraient eu l'intention d'attaquer une base militaire.

Selon Hengaw, les forces de sécurité ont alors tiré des gaz lacrymogènes et ouvert le feu sur des manifestants, mais on ignorait si ces tirs avaient fait des morts ou des blessés.

La répression des protestations déclenchées par la mort de Mahsa Amini a fait au moins 141 morts, dont des enfants, selon un bilan révélé mardi par l'ONG Iran Human Rights (IHR), basée à Oslo.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.