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Quinze ans après avoir acquis son autonomie, le Kurdistan irakien est unifié


Mardi 9 mai 2006 à 06h11

BAGDAD (Irak), 7 mai 2006 (AFP) — Quinze ans après avoir acquis son autonomie vis à vis de Bagdad, à l'issue de la première guerre du Golfe, le Kurdistan irakien a unifié dimanche son administration, scellant la réconciliation des deux partis kurdes historiques.

Longtemps, ils se sont déchirés avec l'appui complaisant de Saddam Hussein ou de Téhéran: Jalal Talabani et Massoud Barzani ont signé dimanche un accord prévoyant la mise en place d'une seule administration dans les trois provinces du Kurdistan, dans le nord de l'Irak.

Le Parlement kurde élu pour quatre ans le 30 janvier 2005 a voté, à l'unanimité, la formation d'un unique gouvernement pour le Kurdistan. Vingt-sept ministères ont été créés, dont 11 ont été confiés à l'UPK (Union patriotique du Kurdistan), 11 au PDK (Parti démocratique du Kurdistan), et cinq à différentes forces politiques et groupes confessionnels.

"C'est un jour historique, où le Kurdistan nous donne un exemple de l'unité et de la prospérité", a affirmé le vice-président irakien, le chiite Adel Abdel Mehdi.

"A ceux qui ont peur que le Kurdistan soit fort, je réponds que si le Kurdistan est fort, c'est l'Irak qui est fort, si le Kurdistan est unifié, c'est l'Irak qui est unifié", a-t-il ajouté.

Un telle unification n'allait cependant pas de soi: aupararavant, le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) de Barzani régnait sans partage sur les provinces de Dohouk et d'Erbil, l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) de Talabani s'étant adjugé la province de Souleimaniyah, la plus à l'ouest.

Si la région autonome est ainsi divisée dans les faits depuis 1991, la rivalité entre les deux responsables kurdes est bien plus ancienne.

Massoud Barzani est l'héritier du leader historique de la cause kurde en Irak, Moustapha Barzani, mort en 1979. Ancien militant du PDK, Jalal Talabani, 73 ans, l'a quitté en 1975 pour fonder l'UPK, réputée plus à gauche.

Leur combat s'inscrit dans la revendication d'un Etat avec une culture, une histoire et une langue, d'origine indo-européenne, communnes, portée dès le milieu des années 1960 par des nationalistes kurdes.

Un désir d'indépendance qui provoque une réaction meurtrière de la part des autorités de Bagdad, qui dès les années 1970 déplacent de force des populations kurdes, menant une politique d'arabisation qui provoque en retour une guérilla kurde dans les montagnes.

En 1988, alors que la guerre contre l'Iran touche à sa fin, Saddam Hussein lance les campagnes de terreur baptisées Anfal ("butin", du nom d'une sourate du Coran) qui font plus de 100.000 morts au Kurdistan et bombarde à l'arme chimique la ville martyre de Halabja (5.000 morts).

Alors qu'une coalition internationale sous commandement américain défait les troupes irakiennes au Koweït en 1991, les peshmerga se soulèvent à nouveau, provoquant une brutale répression qui conduit l'Occident à instaurer une zone de protection de la région, devenue de facto autonome.

"Je rends hommage aux sacrifices consentis par le peuple kurde, le peuple irakien, et les peshmergas, pour créer un état libre en Irak après la chute du régime dictatorial de Saddam Hussein", a déclaré l'ambassadeur américain, Zalmay Khalilzad.

Après l'invasion américaine de l'Irak en mars 2003, les deux frères ennemis kurdes ont réalisé qu'unis, ils représentaient une force considérable, les Kurdes représentant près de 20% de la population irakienne.

Ainsi, en avril 2005, Massoud Barzani, qui revêt toujours l'habit traditionnel kurde, devient président du Kurdistan autonome, tandis que Jalal Talabani, adepte du costume-cravate, est élu président de l'Irak.

Mais l'émergence d'une seule administration dans la région ne vas pas sans arrière-pensées. "Nous allons maintenant travailler pour pouvoir intégrer dans le Kurdistan les territoires kurdes qui n'en font pas aujourd'hui parti", a affirmé dimanche le nouveau Premier ministre kurde Nichirvan Barzani, neveu de Massoud Barzani.

Des propos qui font clairement référence à Kirkouk, ville située au sud de la zone autonome, au coeur d'une région riche en pétrole, et disputée entre Kurdes, Arabes et Turcomans.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.