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Qui-vive anti-terroriste à Erbil, capitale du Kurdistan irakien


Vendredi 9 novembre 2007 à 09h28

ERBIL (Irak), 9 nov 2007 (AFP) — Pour déjouer les attentats qui ensanglantent le reste de l'Irak, Erbil, capitale du Kurdistan, s'appuie sur une police omniprésente, un fossé géant qui encercle la ville et surtout un contrôle social extraordinairement efficace.

Résultat: peu ou pas d'attaques terroristes dans cette ville de plus d'un million d'habitants à 330 km au nord de Bagdad, une économie florissante et un pôle d'attraction pour des centaines de milliers de déplacés fuyant la violence dans les autres régions d'Irak.

"L'attentat du 1er février 2004 (105 morts à Erbil) a fait tellement de victimes que la toute population s'est retournée contre les terroristes" explique, dans son bureau des forces de sécurité régionales -les "Asayish"-, l'un de ses responsables, Sabah Karim.

"Depuis, la collaboration est totale: si quelqu'un voit un inconnu prendre des photos, ou un va-et-vient inhabituel, ou quoi que ce soit sortant de l'ordinaire, il nous appelle", dit-il.

Les murs de son bureau, constellés d'éclats, semblent le contredire: ce sont les stigmates du dernier attentat en date, qui a fait 14 morts le 5 septembre, quand un camion piégé a explosé sous ses fenêtres.

"C'était le premier en trois ans, un kamikaze saoudien, avec deux complices kurdes, pas des gens d'ici. On ne peut pas tout prévenir...", justifie Sabah Karim.

Face à l'afflux de déplacés venus d'autres provinces, les autorités régionales kurdes ont institué, contre l'avis de Bagdad, un "permis de résidence".

"C'est l'occasion de vérifier qui est cette personne, d'où elle vient, qui est sa famille", poursuit-il. Le nouveau venu doit avoir un garant kurde. "En cas de soupçon, le garant doit nous amener la personne étrangère. Sinon, il est arrêté".

Selon un observateur européen installé à Erbil depuis près de quatre ans, qui demande à ne pas être identifié, "les permis de résidence sont donnés pour un mois, trois mois, c'est à la tête du client. Chaque renouvellement est un nouveau contrôle".

"Il y a dans chaque quartier un bureau du PDK (Parti démocratique du Kurdistan, du président régional et chef traditionnel Massoud Barzani). Le but premier est le renseignement: que fait celui-ci? Pourquoi celui-là rentre-t-il si tard? Qui sont ces étrangers? Très efficace", ajoute-t-il.

Pour empêcher ce qu'il appelle "l'arabisation" de la région, il est interdit aux non-Kurdes d'acheter maisons ou appartements, ajoute Sabah Karim. Il faut louer, et là encore le loueur est fortement incité à garder un oeil sur son locataire.

"Notre vraie force", sourit-il, "c'est le renseignement. Nous sommes très bien informés sur ce qui se passe dans notre région. Et nous surveillons de près les quelques villages arabes".

Fin 2003, à l'instigation de l'armée américaine, Erbil s'est entourée d'un fossé, creusé à la pelleteuse: quatre mètres de large sur trois de profondeur, infranchissable en véhicule, dissuasif à pieds.

Il a coupé tous les points d'accès discrets à la ville, interdit les chemins détournés et forcé tout le trafic à travers huit points de passage strictement surveillés.

Le capitaine Shamal, il refuse de décliner son identité complète, dirige l'un d'eux, à trois kilomètres de la ville, sur la route de Dohouk.

"Le plus important, c'est l'accent", assure-t-il. "En deux mots, nous savons si c'est quelqu'un d'Erbil ou pas. Aux inconnus, nous posons des questions. Pour les camions, nous connaissons tous les chauffeurs. Une tête nouvelle est de suite repérée".

Le long du fossé, un poste de peshmergas, les forces de sécurité kurdes, tous les 500 mètres, en vue les uns des autres. Jumelles, appareils de vision nocturne, patrouilles.

"Rien ne passe sans qu'on le sache, même à pieds", se vante le capitaine. "Les gars font un bon travail. Les gangsters, les terroristes hésitent avant de d'entrer dans ma ville..."

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.