Vendredi 24 juillet 2009 à 10h33
ANKARA, 24 juil 2009 (AFP) — Le gouvernement turc pourrait prochainement annoncer de nouvelles mesures en faveur d'un règlement de la question kurde afin de garder la main sur ce dossier, sur lequel le chef rebelle kurde Abdullah Öcalan devrait se prononcer en août, depuis sa cellule de prison.
"Nous avons commencé à travailler sur le sujet, qu'on l'appelle problème kurde, du Sud-est ou de l'Est, ou initiative kurde", a déclaré mercredi le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan.
De l'avis des analystes, Ankara veut devancer l'annonce d'une "feuille de route" par le chef du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), attendue le 15 août à l'occasion du 25 ème anniversaire du déclenchement de la lutte armée des séparatistes kurdes de Turquie.
Öcalan, qui purge une peine de prison à vie sur l'île d'Imrali (nord-ouest) depuis 1999, devrait, par le biais de ses avocats, dévoiler des propositions qui aboutiraient à désarmer les rebelles du PKK sous certaines conditions, comme une nouvelle Constitution plus libérale, selon les médias.
Aucune déclaration officielle n'a été faite sur les intentions du gouvernement, mais les commentateurs évoquent une "curiosité déconcertante" de sa part à l'égard des prochaines déclarations d'Öcalan, un homme pourtant considéré comme un "tueur de bébés" par une bonne partie de l'opinion turque.
"Le gouvernement est attentif, car il sait qu'Öcalan peut proposer quelque chose qui pourrait marcher et qui pourrait être accepté par le PKK, et ainsi prendre la main", souligne l'analyste politique Rusen Cakir.
Il doute cependant du succès des propositions du chef rebelle s'il propose une trêve conditionelle du PKK, au lieu d'un abandon pur et simple de la lutte armée.
"S'il continue d'utiliser le PKK comme un instrument de chantage contre Ankara, la +feuille de route+ n'aura aucune chance", estime-t-il.
Le gouvernement du Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste), a réalisé d'importantes réformes culturelles en faveur de la communauté kurde pour augmenter ses chances d'intégrer l'Union européenne, tandis que le président Abdullah Gül a parlé en mai d'"une chance historique" pour un règlement du conflit qui a fait près de 45.000 morts depuis 1984, et dévasté la région la plus défavorisée du pays.
Le chômage est estimé à environ 50% de la population active des provinces kurdes.
Le gouvernement devrait rejeter les propositions d'Öcalan, qu'il n'a jamais reconnu comme interlocuteur et qui dirigeait une organisation considérée comme terroriste par Ankara, l'UE et les Etats-Unis. Le chef de la diplomatie Ahmet Davudoglu a ainsi souligné que la "question kurde sera réglée à Ankara et non Imrali", la prison d'Öcalan.
Mais des commentateurs influents comme le rédacteur en chef du grand journal Hürriyet, Ertugrul Özkök, jugent désormais Öcalan comme interlocuteur incontournable et exhortent Ankara à agir avec "courage".
Les autorités turques doivent prochainement alléger l'isolement total d'Öcalan en transférant des prisonniers sur l'île, comme l'a demandé le Comité antitorture (CPT) du Conseil de l'Europe.
Le gouvernement pourrait aussi lever certaines restrictions sur l'usage du kurde, notamment avec un retour aux noms kurdes "turcisés" des villages du sud-est, et encourager les rebelles à déposer les armes par une panoplie de mesures sociales, comme le souhaite d'ailleurs l'armée qui les combat inlassablement.
Le PKK, très affaibli par les raids de l'aviation turque contre ses bases-arrières du nord de l'Irak, a annoncé la semaine dernière avoir prolongé sa trêve jusqu'à septembre.
Mais il ne se passe pas de semaine sans qu'un ou deux soldats, et autant de rebelles, ou de civils, ne perdent la vie dans ce conflit.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.