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Quelle "zone de sécurité" pour la Turquie en Syrie?


Vendredi 18 octobre 2019 à 14h11

Ankara, 18 oct 2019 (AFP) — Ankara et Washington se sont mis d'accord sur la création d'une "zone de sécurité" dans le nord-est de la Syrie dans le cadre d'un accord censé mettre fin à une offensive turque mais de nombreuses questions demeurent sur ses contours et sur l'utilisation qui en sera faite.

- Qu'est-ce que cette "zone de sécurité"?

Le président turc Recep Tayyip Erdogan appelle de ses voeux une zone longue de 480 kilomètres, et large d'une trentaine de kilomètres.

Le principal argument avancé par M. Erdogan est la nécessité pour Ankara de créer une zone tampon entre sa frontière et les territoires qui sont aux mains de la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), considérée par la Turquie comme un "groupe terroriste" mais alliée des Etats-Unis.

Outre cet argument, M. Erdogan souhaite installer dans cette zone une partie des plus de 3 millions de réfugiés syriens vivant actuellement en Turquie.

Le vice-président américain Mike Pence a déclaré jeudi à Ankara que cette zone serait de 32 km de profondeur mais s'est gardé d'en préciser la longueur.

Il a aussi affirmé que cette zone serait "principalement" sous le contrôle de l'armée turque.

- Que change l'accord turco-américain?

Le représentant spécial américain pour la Syrie, James Jeffrey, a noté jeudi que les forces turques avaient d'ores et déjà pénétré de près de 30 km en Syrie, mais seulement dans le secteur central du nord-est du pays entre les villes de Tal Abyad et Ras al-Aïn, soit sur une longueur de 120 km environ.

"Les éléments des YPG qui se trouvent dans ce secteur vont s'en retirer. Ce secteur comprend aussi les autoroutes M4 et M10", a-t-il expliqué.

Mais M. Erdogan a répété mercredi que la zone de sécurité devrait à terme s'étendre sur près de 450 km.

Selon Hasan Unal, expert de politique étrangère à l'université Maltepe d'Istanbul, la zone voulue par Ankara comprend les villes de Minbej et Kobane.

Cet objectif sera donc difficile à réaliser car les forces du régime syrien se sont déployées dans ces deux villes à la suite d'un accord avec les YPG, note l'expert.

Ce sujet devrait être au menu des discussions que M. Erdogan doit avoir le 22 octobre avec son homologue russe Vladimir Poutine, allié du régime syrien, estime M. Unal.

- Est-ce un projet réalisable sur le terrain?

Selon Anthony Skinner, du cabinet de consultants en risques Verisk Maplecroft, de nombreuses questions restent sans réponse au sujet de la zone de sécurité, notamment la possibilité d'y installer des millions de réfugiés syriens.

"La Turquie n'a pas été en mesure d'obtenir les financements nécessaires pour mettre en place les infrastructures pour un tel projet", affirme-t-il.

L'expert de la Syrie Fabrice Balanche avait indiqué à l'AFP en septembre qu'"il n'est pas possible d'envoyer 3 millions de personnes dans cette zone, où les zones habitables sont réduites puisque la majorité de l'espace est semi-désertique".

M. Skinner note aussi que la Turquie ne dispose pas à ce stade d'une force supplétive syrienne suffisamment grande et solide pour assurer la mise en oeuvre d'une telle zone.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.