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Que se passe-t-il dans les zones du nord de la Syrie sous influence turque ?


Mardi 18 octobre 2022 à 14h04

Beyrouth, 18 oct 2022 (AFP) — De violents combats opposent depuis une dizaine de jours dans le nord de la Syrie des groupes proturcs à la principale organisation jihadiste, qui a gagné du terrain dans les zones sous l'influence d'Ankara.

Quels sont les principaux groupes dans cette région, quelles sont les relations entre la Turquie et Hayat Tahrir al-Cham (HTS, ex-branche syrienne d'Al-Qaïda) et que réserve l'avenir proche ?

- Qui sont les groupes proturcs? -

Les combats se déroulent dans le nord de la province d'Alep, dans une zone frontalière de la Turquie, un pays qui s'est fermement opposé au régime de Damas après le déclenchement de la guerre en 2011.

Ankara a commencé à prendre le contrôle de cette zone à partir de 2016, via des groupes rebelles syriens qui lui étaient inféodés et, à partir de 2020, des forces turques ont été déployées dans des bases dans la région.

Une trentaine de factions syriennes, regroupées au sein de "l'Armée nationale syrienne" fidèle à Ankara, se partagent le contrôle d'une zone frontalière qui s'étend de Jarablus, au nord-est d'Alep, à Afrine, au nord-ouest d'Alep, en passant par des villes comme Al-Bab et Azaz.

Ces groupes sont accusés d'exactions par les habitants, dont des arrestations arbitraires et la confiscation de terres et de biens. Amnesty International a même accusé certaines factions d'avoir commis des "crimes de guerre".

- Quel est le rôle joué par HTS ? -

Début 2019, HTS a pris le contrôle de la moitié de la province voisine d'Idleb (au sud d'Alep), dernier grand bastion rebelle et jihadiste en Syrie, après deux ans d'affrontements avec d'autres factions.

Après plusieurs offensives des forces gouvernementales contre cette région qu'elles voulaient reprendre, un accord de trêve a été conclu en 2020 par la Russie, alliée du régime, et la Turquie.

La Turquie a déployé dans ce cadre des troupes à Idleb, où elle a continué à entretenir des liens avec le groupe jihadiste, considéré comme une organisation "terroriste" par Washington qui a appelé mardi au retrait immédiat des troupes de HTS de la province d'Alep.

HTS, qui a annoncé sa rupture avec Al-Qaïda en 2016 et cherche à polir son image auprès de la communauté internationale, contrôle le point de passage de Bab al Hawa, avec la Turquie.

- Quelle est la position de la Turquie? -

Des habitants de la région estiment que HTS n'aurait pas osé entrer dans la zone d'influence de la Turquie sans le consentement d'Ankara.

"Jusqu'à présent, la Turquie n'a pas réagi officiellement à ces combats", a déclaré à l'AFP Siraj al-Din al-Chami, le porte-parole de la Troisième Légion, une faction armée proturque.

"Cela signifie peut-être qu'elle ne voit pas d'objection" à ce que HTS gagne du terrain, "ou alors qu'elle est placée devant le fait accompli", a-t-il ajouté.

Mardi, des troupes turques se sont cependant déployées pour la première fois depuis le début des combats pour s'interposer entre les belligérants près de la ville d'Azaz.

La Turquie a infléchi ces dernières semaines sa position à l'égard de Damas après lui avoir été violemment hostile depuis le début du soulèvement populaire en 2011.

Pour le chercheur Nawar Oliver, du centre Omran basé en Turquie, les Turcs cherchent peut-être à "miser sur le groupe le plus organisé pour contrôler les autres factions" rebelles.

HTS, de son côté, "veut envoyer des signes clairs indiquant qu'il est capable de contrôler la région", explique-t-il.

Des questions se posent cependant quant à un éventuel rôle qu'Ankara pourrait accorder à HTS en cas de nouvelles opérations militaires turques contre les groupes armés kurdes, la bête noire de la Turquie, qui contrôlent le reste de la bande frontalière plus à l'est.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.