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Protéger le pétrole syrien: la nouvelle stratégie de Trump jugée peu réaliste


Vendredi 25 octobre 2019 à 18h52

Washington, 25 oct 2019 (AFP) — La nouvelle stratégie de Donald Trump en Syrie, qui est désormais de protéger les champs pétroliers de l'est du pays avec les combattants kurdes, est jugée peu réaliste et à la légalité douteuse par les experts.

"Nous sommes en train de prendre des mesures pour renforcer notre position à Deir Ezzor pour interdire l'accès aux champs pétroliers" aux jihadistes du groupe Etat islamique (EI), a déclaré vendredi le ministre américain de la Défense Mark Esper.

Le Pentagone "est en train de renforcer cette position, et cela inclura des forces mécanisées", a ajouté le chef du Pentagone, interrogé au cours d'une conférence de presse à Bruxelles sur l'envoi possible de chars de combat.

Après avoir annoncé le 6 octobre le retrait du millier de militaires américains encore déployés dans le nord-est de la Syrie, laissant le champ libre à une opération militaire de la Turquie contre les forces kurdes alliées de Washington dans la lutte antijihadiste, le président américain a annoncé mercredi qu'un "petit nombre de soldats" américains resterait en Syrie, "dans les zones où il y a du pétrole".

"Nous avons sécurisé le pétrole", a-t-il affirmé. "Nous allons le protéger et nous déciderons de ce que nous en ferons à l'avenir".

Jeudi, le Pentagone a confirmé l'envoi de renforts pour protéger les champs pétroliers, sans préciser l'ampleur du dispositif prévu.

Officiellement, l'idée est d'empêcher l'EI de s'emparer des plus grands champs pétroliers du pays aujourd'hui contrôlés par la coalition arabo-kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS) dans la province orientale de Deir Ezzor, à l'est de l'Euphrate, non loin de la frontière irakienne.

Mais cette nouvelle stratégie représente un revirement total pour les Etats-Unis qui justifiaient jusqu'ici leur présence sur le sol syrien, contre la volonté du président syrien Bachar al-Assad, par la lutte contre l'EI, indique à l'AFP Nick Heras, du Center for a New American Security.

Pour cet expert du conflit syrien, l'administration tente de "prendre les meilleures ressources pétrolières du pays en otage et de s'en servir de monnaie d'échange (...) afin de forcer le régime d'Assad et ses protecteurs russes d'accepter les exigences des Etats-Unis" lors du règlement politique du conflit syrien.

- "Illusoire" -

"La mission des Etats-Unis en Syrie passe de la noble lutte contre l'organisation terroriste la plus haïe au monde à une manoeuvre illusoire où on forcerait Assad à changer de comportement en saisissant le pétrole syrien", conclut-il.

Lundi, Donald Trump suggérait même que les Etats-Unis "envoient l'une de (leurs) grandes compagnies pétrolières" pour exploiter le pétrole syrien.

"Ce serait illégal", lui a répondu au cours d'une conférence l'ancien émissaire spécial américain pour la Syrie Brett McGurk, qui a démissionné en décembre dernier.

Le pétrole syrien appartient à une société pétrolière publique syrienne, "qu'on le veuille ou non", a-t-il rappelé.

L'ancien diplomate a indiqué que les Etats-Unis avaient un temps caressé l'idée d'exploiter le pétrole syrien, en accord avec Moscou, et d'en placer les bénéfices dans un fonds de développement qui serait mis à la disposition de l'Etat après la guerre civile. "Les Russes n'ont pas sauté sur l'idée et je pense qu'ils sauteront encore moins dessus aujourd'hui", a-t-il noté.

Quelque 200 soldats américains sont actuellement déployés aux côtés des FDS à Deir Ezzor, mais ce nombre pourrait s'avérer nettement insuffisant si l'armée russe décidait de prendre le contrôle de la zone, comme elle a essayé de le faire début 2018.

Quelque 200 mercenaires russes avaient été tués dans une frappe aérienne de la coalition lorsqu'ils avaient tenté d'attaquer un poste des FDS où se trouvaient des soldats américains.

Cette fois-ci, Moscou pourrait bien ne pas avoir besoin d'envoyer des supplétifs: abandonnés par Washington, les combattants kurdes se sont ralliés au régime et à la Russie.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.