Page Précédente

Procès Saddam: des victimes kurdes décrivent leurs souffrances


Mercredi 20 septembre 2006 à 17h53

BAGDAD, 20 sept 2006 (AFP) — Cinq victimes kurdes ont décrit mercredi, lors de la dixième audience du procès de Saddam Hussein, accusé de génocide, les souffrances vécues lors des campagnes militaires d'al-Anfal contre les populations kurdes en 1987 et 1988, avec des récits parfois insoutenables.

Ahmed Mohammed Faris a raconté avoir été conduit de force de son village et détenu dans la prison Nugrat al-Salman, près de Samawa, dans le sud. "Les conditions de détention étaient vraiment mauvaises", se souvient ce vieillard.

"Un jour, j'ai vu les chiens dévorer quelque chose: c'était la tête d'une femme" dont le corps était enterré près du mur d'enceinte de la prison", a-t-il dit.

Gharib Kader Hama Amine a également décrit les conditions déplorables de son emprisonnement, avec son père, dans le centre de détention de Samawa. "Nous urinions sur le sol, il n'y avait pas de sanitaires. Chaque jour, dix des nôtres mourraient de maladie ou de torture", a-t-il raconté.

Son père est décédé en prison.

Selon lui, ils étaient plus d'un millier de Kurdes détenus dans ce centre "et pas un Arabe".

Une vieille femme, Esmat Abdel Kader, vêtue de la robe traditionnelle, a été sévèrement blessée par les bombardements chimiques. "J'ai encore des marques sur les mains, j'ai été opérée des yeux et je respire encore difficilement", a-t-elle raconté au tribunal.

Un autre villageois, Ahmed Kader, a décrit l'attaque chimique de son village, l'odeur de gaz, la fuite. Il a raconté qu'avec l'aide de son frère, il est parti ramasser les corps des victimes dispersées et les a enterrés: "12 par ci, 20 par là, 5 autres ailleurs". Le sang coulait du nez et de la bouche des victimes, a-t-il dit. "J'avais les yeux qui larmoyaient et je tremblais de tout mon corps à cause du gaz", a-t-il ajouté.

Mais les troupes gouvernementales ont progressé et il a dû s'enfuir pour Soulaimaniyah où il s'est caché. Ceux qui sont restés ont tous été arrêtés et emmenés.

Il affirme avoir perdu huit proches dont deux soeurs lors des campagnes d'al-Anfal.

Chamsa Rostum, elle, habitait dans un village proche de Halabja. En 1987, elle a fui vers le village de son père en 1987 et là le gouvernement a décidé de les loger dans des centres d'hébergement. En 1988, une offensive militaire a été lancée contre le village et elle a fui vers la montagne.

"Les soldats ont mis le feu aux habitations. Du haut de la montagne, nous voyions des colonnes de fumée se dégager du village. Nous avons essayé de nous éloigner mais les soldats nous ont rattrapés et nous ont envoyés dans des centres de détention".

Ses neveux sont tombés malades et sont morts dans un des centres faute de soins.

Elle a été transférée d'un centre de détention à un autre et a été séparée de son mari, qui a gardé avec lui ses papiers d'identité.

"Je n'ai plus eu de nouvelles de lui, jusqu'à ce qu'on trouve ses papiers dans une fosse commune". Ses papiers à elle étaient également dans ce charnier.

"Je voudrais récupérer mes papiers ainsi que ceux de mon mari en souvenir", dit-elle au procureur.

"Je portais un collier sur la photo, un cadeau de mon mari", dit-elle en s'excusant.

Au début, le juge a dit que ce n'était pas possible, les papiers étant une pièce à conviction. Le procureur est intervenu en sa faveur pour qu'elle puisse les récupérer.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.