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Procès Saddam: des prisonniers kurdes exécutés la nuit dans le désert


Mardi 31 octobre 2006 à 15h41

BAGDAD, 31 oct 2006 (AFP) — L'armée irakienne a emmené des prisonniers kurdes dans le désert pour les exécuter deux par deux, au bord d'une tranchée, a déclaré mardi un témoin devant le Haut tribunal pénal qui juge, à Bagdad, l'ancien président Saddam Hussein pour génocide contre les Kurdes.

Le témoin anonyme, qui a parlé derrière un rideau, a décrit comment il avait assisté à une exécution collective nocturne, organisée dans le désert occidental de l'Irak à la lumière des phares d'une pelle mécanique, après avoir été arrêté pendant l'offensive irakienne au Kurdistan en avril 1988, et emmené, en autobus, avec un groupe de prisonniers kurdes.

"Les gardes ont pris les prisonniers deux par deux et les ont exécutés, tandis que les autres attendaient dans l'autobus", a-t-il expliqué, alors que Saddam Hussein écoutait sans réagir sur son banc.

"La tranchée était pleine de corps et certaines victimes étaient encore vivantes. J'ai aperçu un garde, portant un uniforme vert, descendre dans la tranchée et tirer dans la tête des survivants en les insultant", a-t-il poursuivi.

Le témoin a affirmé avoir réussi à s'enfuir en profitant de l'absence d'un garde. Après avoir marché dans le désert pendant une journée, il a atteint la ville de Ramadi (ouest de Bagdad).

Un autre témoin anonyme également, originaire de Kirkouk (nord), a connu la succession de prisons et de camps de détention fréquentés par beaucoup de Kurdes dans les années 1987-1988, et dont beaucoup ne sont pas revenus.

Au camp de Tob Zaoua, près de Kirkouk, "c'était sale. Les enfants étaient avec les adultes, et la nuit on ne pouvait pas dormir", a-t-il dit.

Au cours d'un transfert vers Mossoul (nord), un détenu a tenté de prendre l'arme d'un garde et a échoué, mais cela a déclenché une fusillade à la faveur de laquelle le témoin a pu s'enfuir. "Quand j'ai voulu regagner mon village près de Kirkouk, il avait été rasé", a-t-il dit.

Un troisième villageois a apporté son témoignage sur un événement déjà fréquemment décrit par de précédents témoins: le bombardement à l'arme chimique de villages kurdes, le 18 mai 1988.

"Certains habitants avaient les yeux rougis, d'autres saignaient du nez, d'autres encore criaient ou s'enfuyaient", a-t-il raconté. "Rapidement, nous avons tous ressenti les effets des produits chimiques. Je pleurais et je ne pouvais plus respirer", a-t-il dit.

Saddam Hussein et ses six co-accusés ont assisté à la 20ème journée d'audience en l'absence de leurs avocats qui boycottent le tribunal depuis plusieurs semaines, à cause des ingérences politiques qui, selon eux, marquent le fonctionnement du tribunal.

Des avocats commis d'office étaient présents, mais les accusés ne les reconnaissent pas.

Les accusés sont jugés pour les campagnes militaires d'Anfal, en 1987-1988 dans le Kurdistan irakien, qui ont fait 180.000 morts, selon l'accusation.

Saddam Hussein et ses lieutenants ont affirmé que les opérations lancées en 1988, au Kurdistan, alors que l'Irak était en guerre contre l'Iran, constituaient une offensive nécessaire contre une guérilla séparatiste qui avait partie liée avec Téhéran.

Tous les accusés risquent la peine de mort. Seuls Saddam Hussein et Hassan al-Majid, ancien chef d'état-major pour le nord de l'Irak, sont accusés de génocide. Tous sont poursuivis pour crime de guerre et crime contre l'humanité à l'encontre des Kurdes.

Le procès a été ajourné au 7 novembre.

Dimanche prochain, Saddam Hussein et sept co-accusés doivent prendre connaissance du verdict du procès de l'exécution de 148 villageois chiites de Doujail (nord) dans les années 1980, après un attentat contre le cortège présidentiel. Les accusés risquent également la peine de mort.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.