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Procès Pinar Selek: le monde académique s'inquiète de pressions


Vendredi 7 février 2025 à 17h13

Nice, 7 fév 2025 (AFP) — De nombreux représentants des universités françaises se sont inquiétés vendredi à Nice de pressions croissantes à travers le monde et jusque dans les démocraties occidentales, à l'occasion du procès de la sociologue Pinar Selek, poursuivie depuis 27 ans en Turquie et désormais réfugiée en France.

Pour la communauté académique, Mme Selek, accusée en Turquie de "terrorisme" malgré quatre acquittements, est visée en raison de ses travaux sur les Kurdes, les Arméniens ou encore sur l'apprentissage de la virilité dans l'armée.

En juin 2024, l'accusation avait d'ailleurs versé au dossier un rapport affirmant que la chercheuse avait participé deux mois plus tôt à une manifestation de "terroristes du PKK" (Parti des travailleurs du Kurdistan). Il s'agissait d'une conférence de femmes kurdes organisée par l'Université Côte d'Azur.

Mais au-delà du cas de Mme Selek, "il y a de plus en plus de pressions pour ne pas parler de tel ou tel sujet, pour ne pas inviter telle ou telle personne", a expliqué Jeannick Brisswalter, président d'Université Côte d'Azur, entouré d'autres présidents d'universités et de chercheurs, en ouverture d'une journée de soutien à Mme Selek et aux libertés académiques.

"Quand un sociologue vous parle de la dangerosité des vaccins, c'est sa liberté d'expression. Quand une sociologue vous parle des communautés kurdes et arméniennes qui sont sujets de travail, c'est de la liberté académique, et c'est ce que nous défendons", a-t-il expliqué. "C'est la liberté de pouvoir travailler sur les sujets que l'on a choisis, de pouvoir produire des connaissances sur ces sujets, et de pouvoir échanger à propos de ces sujets".

En France, le Programme d'aide urgente aux scientifiques et artistes exilés (Pause), créé en 2017 sous l'égide du Collège de France, a permis à plus de 560 personnes, privées de cette liberté dans leur pays, de venir poursuivre leurs travaux quelques mois ou quelques années en France.

Pinar Selek a bénéficié de ce programme, jusqu'à ce que l'Université Côte d'Azur crée un poste de maître de conférence pour elle au sein de l'Unité de recherches migrations et société (Urmis).

Mais la liberté académique est également malmenée depuis quelques années en Amérique du Nord ou en Europe, ont fait valoir des intervenants.

"Quelle que soit la thématique, quelles que soient les disciplines, presque quels que soient les courants de pensée, on a des pressions qui s'exercent", a dénoncé M. Brisswalter.

Ainsi, son université est vivement critiquée à droite pour un programme de sensibilisation à la situation des migrants, mais elle a aussi défendu le droit de son département de mathématiques d'inviter un chercheur belge soupçonné de révisionnisme à un séminaire.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.