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Procès de sept militants d'ultragauche: décision retardée après des incidents


Vendredi 22 decembre 2023 à 12h07

Paris, 22 déc 2023 (AFP) — Le tribunal correctionnel de Paris a commencé vendredi à rendre sa décision au procès pour association de malfaiteurs terroriste de sept sympathisants d'ultragauche soupçonnés d'avoir fomenté une action violente contre les forces de l'ordre, mais l'audience a été suspendue après des réactions de mécontentement dans le public.

Vingt minutes après le début de la lecture du jugement, alors que la présidente était en train de dire que l'infraction d'association de malfaiteurs terroriste était constituée, des personnes dans la salle d'audience ont manifesté leur désapprobation.

La magistrate a alors demandé d'évacuer la salle. "Terroristes, c'est vous les terroristes!", ont lancé des personnes.

Une partie du public, qui a d'abord refusé de sortir, a finalement évacué la salle, et certains ont chanté dans le tribunal "A bas l'Etat policier".

Une trentaine de personnes, des proches des prévenus, sont toutefois restées dans la salle. Vers midi, l'audience était toujours suspendue.

Dans cette affaire, les sept prévenus, six hommes et une femme, ont comparu du 3 au 27 octobre.

Le Parquet national antiterroriste (Pnat) a requis à leur encontre des peines de deux ans d'emprisonnement avec sursis à six ans ferme. Une interdiction de détenir une arme pendant dix ans a été également requise à l'encontre de tous les prévenus ainsi que, pour certains, une amende de 1.500 euros.

La peine la plus lourde a été demandée pour Florian D., militant libertaire de 39 ans qui a combattu en 2017 auprès des Kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) au Rojava, dans le nord-est de la Syrie, contre le groupe jihadiste Etat islamique.

Dans leurs réquisitions, les deux procureurs du Pnat ont insisté sur le rôle central de cet homme dans le dossier, seul "dénominateur commun" des autres prévenus.

En effet, s'il connaissait tous les autres protagonistes, certains d'entre eux ne s'étaient jamais vus avant d'avoir été mis en cause dans cette affaire.

Lors des débats, les prévenus ont contesté les accusations. Dans ses plaidoiries, un des deux avocats de Florian D., Raphaël Kempf, a raillé "l'effilochement de ce dossier d'un groupe à un homme" et dénoncé le "récit" construit par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et le Pnat.

"Le but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation et la terreur" est "caractérisé par la volonté exprimée à plusieurs reprises (...) de porter atteinte à l'intégrité de policiers, de s'emparer d'armes", ou encore d'"organiser une milice armée", avait commencé à dire la présidente du tribunal, soulignant aussi que Florian D. était "la figure centrale" du dossier et qu'une "association" entre les diverses personnes du dossier existait.

A l'origine de l'affaire figure un rapport du renseignement intérieur sur un projet d'action violente fomenté par des militants d'ultragauche, et notamment par Florian D., rentré de la zone irako-syrienne en janvier 2018.

- Surveillance et écoutes -

Après plusieurs mois de surveillance et d'écoutes, les suspects sont interpellés le 8 décembre 2020 en divers endroits de France, puis mis en examen. Lors des perquisitions, les forces de l'ordre retrouvent des produits servant à fabriquer des explosifs et des armes.

Pour l'accusation, les prévenus se sont livrés à des "entraînements de progression tactique et de tir" et ont fabriqué et testé des explosifs en vue de s'en prendre à des policiers ou des militaires.

Dans leur ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, les juges antiterroristes ont toutefois souligné qu'aucun passage à l'acte imminent n'avait été envisagé.

Reconnaissant avoir fait des essais d'explosifs et quelques parties d'airsoft, les prévenus ont raconté des séances "ludiques" menées notamment pendant le confinement, sans aucune intention malveillante.

Les avocats de la défense ont plaidé la relaxe pour l'infraction d'association de malfaiteurs terroriste.

Avant cette affaire, la dernière saisine connue de la justice antiterroriste pour des faits liés à l'ultragauche remonte à l'affaire de Tarnac (Corrèze) en 2008, pour des soupçons de sabotage de lignes TGV.

Mais les qualifications terroristes, objet d'un âpre débat, avaient été abandonnées par la justice avant le procès, qui s'était conclu en 2018 par une relaxe quasi générale. "+Le groupe de Tarnac+ était une fiction", avait conclu la présidente du tribunal.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.