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Prison avec sursis pour un policier belge jugé pour un tir mortel contre une fillette kurde


Vendredi 12 février 2021 à 21h23

Mons (Belgique), 12 fév 2021 (AFP) — Un policier belge a été condamné vendredi à Mons (sud) à un an de prison avec sursis pour avoir tiré sur une camionnette de migrants tuant involontairement une fillette kurde de deux ans, pendant une course-poursuite sur une autoroute en 2018.

C'est la peine qu'avait réclamée le parquet contre Victor-Manuel Jacinto Goncalves, 48 ans, reconnu coupable d'"homicide involontaire par défaut de prévoyance ou de précaution".

Il encourait jusqu'à deux ans de prison ferme, mais le tribunal correctionnel a tenu compte de "l'absence d'antécédents judiciaires et des regrets sincères qu'il a exprimés", selon le jugement.

Au cours du procès, fin novembre, la représentante du parquet avait fustigé l'imprudence du policier, mais relevé qu'aucun élément n'étayait une "volonté délibérée" de "porter atteinte à la vie d'autrui".

Cette condamnation est "une grande déception", "on va réfléchir à faire appel", a réagi Me Laurent Kennes, l'avocat de M. Jacinto Goncalves.

Les faits remontent à la nuit du 16 au 17 mai 2018. Sur une autoroute de Wallonie, au sud de Bruxelles, une camionnette remplie de migrants pris en charge à Grande-Synthe (nord de la France) accélère pour échapper à une voiture de police qui veut l'intercepter.

Face à ce refus d'obtempérer, l'un des policiers sort son arme par la fenêtre. Il vise le "pneu avant gauche" en doublant, selon ses explications pendant l'enquête, mais un brusque coup de volant de son collègue dévie son tir.

A l'intérieur de la camionnette, Mawda, installée derrière le chauffeur, est touchée d'une balle qui lui traverse la tête. Elle meurt dans l'ambulance.

Le policier auteur du tir a rapidement reconnu son geste. Mais, a-t-il affirmé au procès, "si j'avais su qu'il y avait un enfant (à bord du véhicule pris en chasse), jamais j'aurais sorti mon arme".

Dans ses motivations le tribunal a toutefois considéré sa faute "établie sans aucun doute".

"L'objectif qui était de stopper la camionnette pouvait être atteint par d'autres moyens tels que la mise en place d'un barrage", a-t-il fait valoir. Choisir de tirer, même en visant un pneu, revenait à "mettre gravement en danger les occupants de la camionnette voire les autres usagers de la route".

Inculpé au bout d'un an et demi et laissé libre par le juge d'instruction, M. Jacinto Goncalves était jugé avec deux Kurdes d'Irak faisant partie du groupe de migrants et soupçonnés d'avoir provoqué le délit de fuite.

L'un d'eux, Jargew Del, 21 ans, a été condamné à quatre ans de prison ferme en tant que chauffeur, notamment pour "rébellion armée" (le camionnette étant considérée comme l'arme utilisée contre la police).

- "Exemple" -

Son ADN a été identifié sur le volant, le levier de vitesse, et sur un mégot retrouvé à l'avant de la camionnette. L'accusation avait réclamé dix ans ferme à son encontre.

Lui aussi en détention provisoire depuis son arrestation, Rasol Dilman Ahmed, 28 ans, a été relaxé. Le tribunal a jugé que l'enquête n'avait pas apporté de preuves de son rôle présumé de passeur. Le parquet avait requis sept ans de prison ferme.

Présents au prononcé du jugement, les parents de Mawda n'ont pas souhaité réagir. "Aucun jugement ne peut effacer leur douleur", a dit leur avocate, Me Selma Benkhelifa.

Elle a toutefois salué une décision insistant bien sur "le danger" d'un tel tir en pleine course-poursuite. "J'espère que ça servira d'exemple aux policiers".

Ayant fui l'Irak en 2015, les parents de Mawda sont arrivés en Europe en traversant la Méditerranée. Au moment du drame, ils cherchaient un passage vers l'Angleterre depuis les environs de Calais en France.

Leur fillette a été enterrée à Bruxelles en juillet 2018. Le couple, qui bénéficiait depuis 2019 d'un droit de séjour temporaire en Belgique pour des raisons humanitaires, a vu sa situation définitivement régularisée en décembre 2020, a annoncé vendredi le secrétaire d'Etat à l'Asile et à la Migration, Sammy Mahdi.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.