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Prison avec sursis pour un policier belge jugé pour un tir mortel contre une fillette kurde


Vendredi 12 février 2021 à 18h15

Mons (Belgique), 12 fév 2021 (AFP) — Un policier belge a été condamné vendredi à Mons (sud) à un an de prison avec sursis pour avoir tiré sur une camionnette de migrants tuant involontairement une fillette kurde de deux ans, lors d'une course-poursuite sur une autoroute en 2018.

C'est la peine qu'avait réclamée le parquet contre Victor-Manuel Jacinto Goncalves, 48 ans, reconnu coupable d'"homicide involontaire par défaut de prévoyance ou de précaution".

Il encourait jusqu'à deux ans de prison ferme mais le tribunal correctionnel a tenu compte de "l'absence d'antécédents judiciaires et des regrets sincères qu'il a exprimés", selon le jugement.

Lors du procès, fin novembre, la représentante du parquet avait relevé l'absence d'éléments prouvant que le policier aurait "délibérément voulu porter atteinte à la vie d'autrui".

Le drame a pour toile de fond le trafic de migrants dans le triangle Paris-Bruxelles-Londres et la politique du gouvernement belge jugée trop "répressive" par les associations qui les défendent.

Dans la nuit du 16 au 17 mai 2018, sur une autoroute de Wallonie, au sud de Bruxelles, une camionnette remplie de migrants pris en charge à Grande-Synthe (nord de la France) accélère pour échapper à une voiture de police qui veut l'intercepter.

Face à ce refus d'obtempérer, l'un des policiers sort son arme par la fenêtre. Il vise le "pneu avant gauche" en doublant, selon ses explications pendant l'enquête, mais un brusque coup de volant de son collègue dévie son tir.

- Une relaxe -

A l'intérieur de la camionnette, Mawda, installée derrière le chauffeur, est touchée d'une balle qui lui traverse la tête. Elle décède dans l'ambulance.

Le policier auteur du tir a rapidement reconnu son geste. Mais, a-t-il affirmé au procès, "si j'avais su qu'il y avait un enfant (à bord du véhicule pris en chasse), jamais j'aurais sorti mon arme".

Dans ses motivations le tribunal a toutefois considéré sa faute "établie sans aucun doute".

"L'objectif qui était de stopper la camionnette pouvait être atteint par d'autres moyens tels que la mise en place d'un barrage", a-t-il fait valoir. Choisir de tirer, même en visant un pneu, revenait à "mettre gravement en danger les occupants de la camionnette voire les autres usagers de la route".

Inculpé au bout d'un an et demi et laissé libre par le juge d'instruction, M. Jacinto Goncalves était jugé avec deux Kurdes d'Irak faisant partie du groupe de migrants et soupçonnés d'avoir provoqué la course poursuite.

L'un d'eux, Jargew Del, 21 ans, a été condamné à quatre ans de prison ferme en tant que chauffeur. Son ADN avait été identifié sur le volant, le levier de vitesse, et sur un mégot retrouvé à l'avant de la camionnette. L'accusation avait réclamé dix ans ferme à son encontre.

Il dispose comme le policier de trente jours pour faire appel du jugement.

L'autre, Rasol Dilman Ahmed, 28 ans, soupçonné d'avoir convoyé les migrants, a été relaxé faute de preuves. Le parquet avait requis sept ans de prison ferme.

Me Selma Benkhelifa, avocate des parents de Mawda, s'était étonnée de la "disproportion" entre ces réquisitions et celle visant le policier, voyant dans les deux jeunes Kurdes les "boucs émissaires" du dossier.

Ayant fui l'Irak en 2015, à moins de 25 ans, les parents de Mawda sont arrivés en Europe en traversant la Méditerranée. Au moment du drame, ils cherchaient un passage vers l'Angleterre depuis les environs de Calais en France.

Leur fillette a été enterrée à Bruxelles en juillet 2018, et le couple bénéficiait depuis février 2019 d'un droit de séjour temporaire en Belgique pour des raisons humanitaires.

Leur situation est désormais régularisée "de manière définitive", a annoncé vendredi à la radio publique le secrétaire d'Etat à l'Asile et à la Migration, Sammy Mahdi, soulignant avoir usé de son "pouvoir discrétionnaire". "C'était normal pour qu'ils puissent vivre leur deuil de manière apaisée", a-t-il justifié.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.