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Près de Mossoul, les médecins kurdes face au flux des blessés


Dimanche 23 octobre 2016 à 18h37

Nawaran (Irak), 23 oct 2016 (AFP) — Dans la cour d'un dispensaire en rase campagne, à proximité du front à l'est de Mossoul, des médecins kurdes en blouse blanche s'agitent autour d'un brancard posé à même le sol.

Là, sous un soleil brûlant, un peshmerga (combattant kurde irakien) gémit de douleur, le visage en sang et tuméfié par les éclats de l'explosion d'une voiture piégée ou d'un projectile des jihadistes du groupe Etat islamique (EI).

En quelques secondes, l'homme est placé sous perfusion, recouvert d'une couverture de survie et emporté dans une ambulance.

Impossible d'en savoir plus sur son sort: le nombre exact de blessés, et surtout celui des morts, dans les rangs des peshmergas qui participent à l'opération de reconquête de Mossoul, aux côtés des forces de sécurité irakiennes, est un secret bien gardé.

A chaque fois qu'une ambulance passe en trombe ou qu'un pick-up revient du front avec des blessés à bord, des commandants kurdes se chargent d'écarter les curieux.

Il ne faut pas démoraliser les troupes, plaident-ils.

A l'arrière, à Erbil, capitale de la région autonome du Kurdistan irakien, un seul établissement peut accueillir les combattants blessés évacués par les hôpitaux de campagne disséminés sur les plaines rocailleuses où les combats ont lieu, celui d'Erbil-Ouest.

Cet hôpital civil est le seul à disposer d'un service d'urgence et peut soigner les grands brûlés.

Son directeur, le docteur Lawand Meran, affirme à l'AFP avoir accueilli de jeudi à samedi plus de 100 peshmergas blessés.

- 'Vraie bataille' -

"Les équipements médicaux, les médicaments et les médecins spécialistes manquent", explique le docteur Meran, dont l'établissement traite aussi les urgences des civils des environs. "Si bientôt il devait y avoir 1.000 blessés, nos capacités ne suffiront pas".

La route est pourtant encore longue jusqu'à Mossoul et les jihadistes lancent toujours plus de voitures piégées sur les peshmergas.

Ces derniers se plaignent en outre d'une moindre efficacité des frappes aériennes de la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis.

En 2014, lors de l'offensive éclair de l'EI en Irak, les peshmergas avaient bloqué la route de leur province aux jihadistes avec l'appui de frappes aériennes américaines et il n'y avait pas eu autant de blessés, explique le docteur Meran.

Mais "cette fois-ci, on peut dire que c'est une vraie bataille."

Dans son hôpital de campagne, le docteur Ahmed Mezouri, lui, se félicite du renfort de médecins militaires canadiens et britanniques, qui évitent soigneusement les journalistes et refusent d'être filmés ou photographiés.

Ce Kurde en blouse blanche et les yeux cachés derrière des lunettes aux verres épais dirige une équipe de six médecins et d'une cinquantaine d'infirmiers et d'ambulanciers.

La plupart des combattants qu'il soigne ont été touchés par "des kamikazes qui se font exploser ou conduisent des voitures piégées", explique-t-il, alors que deux blessés sont amenés dans une pièce rudimentaire où sont alignés huit lits médicaux recouverts de draps bleus.

- 'Balles dans le dos' -

Si les peshmergas progressent vers Mossoul, où sont retranchés 3.000 à 5.000 jihadistes, les combats rapprochés et la guérilla urbaine que tous redoutent vont commencer.

Et là, les blessures seront encore plus graves et nombreuses, prédisent médecins et peshmergas.

Mourad et Zahed viennent d'en faire l'expérience à Kirkouk, une ville sous contrôle kurde située à 170 km au sud-est de Mossoul et où des jihadistes ont lancé vendredi un raid spectaculaire et meurtrier.

D'abord engagés dans des combats de rue pour débusquer les assaillants infiltrés, ces deux combattants kurdes partagent maintenant la même chambre à l'hôpital d'Erbil-Ouest, victimes des tireurs embusqués du "califat".

"On ne les a pas vus venir, ils nous ont attaqués à la roquette. Un sniper m'a surpris et j'ai reçu quatre balles dans le dos, une dans la jambe et une dans la main", raconte Zahed à l'AFP, cloué dans un lit et recouvert d'une épaisse couverture.

Mourad aussi a eu la main transpercée par une balle. "Mais en plus, un éclat a ricoché dans mon oeil", explique-t-il.

"Les médecins m'ont prévenu que si je ne suis pas évacué à l'étranger, je perdrai mon oeil", poursuit cet homme à la moustache noire et au visage buriné. "En Irak, personne ne peut pratiquer ce genre d'opération".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.