Mercredi 30 juillet 2025 à 16h08
Silopi (Turquie), 30 juil 2025 (AFP) — Jamais, dans sa vie de sexagénaire, Recep Esiyop n'a connu pareille température. "Il n'y a pas un chat dehors dans la journée, personne ne peut s'habituer à une telle chaleur".
Depuis que le record de 50,5°C enregistré le 25 juillet, a placé Silopi, dans le sud-est de la Turquie, sur la carte des extrêmes, le vendeur de glace vit dans l'air conditionné et s'inquiète pour ses factures d'électricité.
D'autant que la vague de chaleur va se poursuivre jusqu'au 2 août au moins, ont prévenu les autorités. Leurs relevés sont du reste mis en doute par certains.
"Le thermomètre n'est pratiquement pas descendu sous les 50°C, assure Hacil Coksun, et quand les officiels annoncent 49 ou même 51, croyez moi, on était probablement au-dessus des 55 degrés. Au moins."
"On atteint des niveaux sans comparaison avec les années précédentes" ajoute cet homme de 52 ans avec irritation.
Depuis la mi-juillet, la Turquie subit des températures de 6 à 12 degrés au-dessus des normales saisonnières, selon la Direction générale de la météorologie (MGM) et au-dessus des 40°C sur la majorité du territoire.
Les vagues de chaleur, qui deviennent plus fréquentes, plus longues et plus intenses, constituent un marqueur clair du réchauffement climatique, selon les experts.
Conjuguée à la sécheresse - "la pire depuis cinq ans" selon le président Recep Tayyip Erdogan - plus de 3.100 incendies de forêt se sont déclarés depuis le début de l'été. Ils ont causé la mort de 14 personnes malgré la mobilisation de drones pour surveiller les massifs forestiers: une situation de "guerre", a insisté le chef de l'Etat en incriminant "le changement climatique".
- "planter des arbres, pas les abattre" -
Cette touffeur sèche joue sur les nerfs des habitants qui ont le sentiment de vivre dans un brasier, et l'ambiance est maussade aux terrasses et dans les rues désertées. Le district de Silopi vit surtout du commerce avec l'Irak voisin et des services de transports entre la frontière et le reste du pays.
Située au coeur d'une zone désertique et au pied des montagnes, la région souffre du manque d'arbres et de végétation.
"Malheureusement, les forêts ont été brûlées ici par le passé, pour des raisons de sécurité", accuse Hacil Goskun, évoquant le temps où l'armée ratissait les environs à la poursuite des combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), considéré comme une organisation "terroriste".
"Au moins maintenant, ils pourraient atténuer les choses en plantant des arbres. Pas en les abattant".
Le Parlement turc vient d'adopter une loi ouvrant certaines terres agricoles, dont des champs d'oliviers et des forêts, aux exploitations minières en dépit des protestations des défenseurs de l'environnement.
En sueur devant son döner, cette pyramide de viandes rôties qui tourne au-dessus des flammes, Cemil Seher, 51 ans, réclame un rabais sur ses factures d'électricité.
"Avant, l'été durait trois mois, maintenant c'est cinq. Les climatiseurs tournent 24 heures sur 24. C'était considéré comme un luxe mais aujourd'hui ils sont absolument nécessaires, avec les réfrigérateurs".
"Les factures d'électricité sont très élevées. Je ne fais pas de bénéfice ici, je travaille cinq mois de l'année juste pour les payer", explique-t-il, réclamant un tarif spécial, "pas seulement pour Silopi mais pour toute la région, d'ici à Sanliurfa", à la frontière syrienne.
"La clim' est devenue aussi essentielle que le pain et l'eau ici", appuie-t-il.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.