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PKK: Ankara avance sur le front militaire, des projets pro-kurdes attendus


Mercredi 19 decembre 2007 à 12h34

ANKARA, 19 déc 2007 (AFP) — Ayant mis à exécution sa menace d'envoyer son armée "nettoyer" les bases du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) dans le nord de l'Irak, la Turquie devrait lancer une offensive politique et économique pour en finir avec le vieux conflit kurde, estiment les analystes.

Une grande opération aérienne dimanche à l'aube contre une dizaine de camps "terroristes" situés dans le Kurdistan irakien, un sanctuaire du PKK depuis des années, a été suivie mardi par une incursion terrestre.

Même si l'offensive de l'armée turque était limitée en envergure - 500 à 700 commandos, selon la presse- il n'en reste pas moins qu'elle est la première opération terrestre depuis que le Parlement l'a autorisée en octobre à pénétrer en Irak pour déloger le PKK, organisation terroriste pour Ankara, Washington et l'Union européenne.

Les opérations turques, qui devraient se poursuivre "si nécessaire", selon les généraux, en dépit de l'hiver dans la montagne irakienne, peuvent effectivement mettre le PKK hors d'état de nuire en Irak mais sans totalement l'anéantir, selon les analystes.

Toute opération militaire turque en Irak visant à en déloger le PKK est "probablement vaine" et Ankara ne pourra "probablement jamais" défaire le PKK, a estimé le centre britannique de réflexion Chatham House, dans un rapport publié mercredi.

Le PKK, en lutte depuis 1984 contre Ankara, est "une force très motivée qui jouit d'un soutien local et de la protection que lui offre le terrain inaccessible des régions frontalières", a indiqué le centre basé à Londres.

Conscient que la lutte armée ne suffira pas, le gouvernement du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé travailler sur une loi d'amnistie déjà existante à l'égard des rebelles "repentis" afin d'élargir son cadre.

Des projets pour relever le niveau de vie de la population kurde par des encouragements à l'investissement et des subsides notamment sont également à l'étude.

"Si cela se fait, ce sera un pas important en faveur du (règlement du) problème kurde et un véritable défi psychologique lancé au PKK", estime Beril Dedeoglu, de l'Université Galatasaray d'Istanbul dans le journal d'expression anglaise Today's Zaman.

Le politologue Dogu Ergil partage cet avis: "Même les faucons de l'armée turque ont compris que les Kurdes ont un véritable problème d'intégration" dans la société turque, commente cet expert du problème kurde.

Le chef de l'état-major, le général Yasar Büyükanit, avait souligné en mai que combattre les rebelles ne relevait pas seulement de ses forces.

"La lutte contre le terrorisme ne comprend pas seulement des mesures militaires mais des mesures économiques, culturelles et sociales", avait-il dit, pour tenter de mobiliser un gouvernement accusé de "léthargie" sur les fronts militaire et politique par une opinion publique excédée par des attaques meurtrières du PKK.

"M. Erdogan semble avoir compris que sans avoir résolu le conflit kurde, ni la stabilité politique du pays ni l'avenir de son parti ne seront assurés", souligne M. Ergil dans sa colonne dans Today's Zaman.

Le théâtre de la rébellion du PKK est le sud-est anatolien, peuplé majoritairement de Kurdes et la région la plus pauvre de la Turquie, pays candidat à l'adhésion à l'Union européenne. Les combats sanglants ont plongé la zone dans des turbulences économiques, sociales et humaines.

Des centaines de milliers de villageois ont été chassés de leurs villages ou ont dû fuire les combats pour émigrer vers les grandes villes.

Il y a dix ans, Diyarbakir, la principale ville du sud-est turc comptait 350.000 habitants. Aujourd'hui, elle en en compte presque un million et demi, dont de très nombreuses familles vivant en dessous du seuil de pauvreté.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.